Descendant à la nage l’escalier de l’orage
je glissais mon ticket périmé de bonheur
dans la fente usagée d’un nuage boudeur.
Le soleil remuait la chaleur de la lave
Circulant dans mes veines et calcinant mon coeur.
Une machine roulante me prit alors en otage
Rejetant, hoquetante, tel un monstre bavard
les énergies broyées par l’usure méthodique
D’un quotidien suçant la moelle substantifique
Avalant la beauté tout autant que l’espoir.
Et malgré la tempête
je reste debout
et tiens droite ma tête
Au langage des coups
Je nageais comme je pu aspiré par le ciel
qui soudain souriait, comme on le voit parfois
sur les sourires figés de déesses de miel
Dans les salles d’attentes aux magazines froissés
ou s’échouent les photos de princes ou de rois
de princesses enfin bref de rêves fabriqués
L’orage bouillonnant s’étant un peu calmé,
en marchant à l’envers je crus voir le passé,
alors je m’allongeais pour glisser sur la pente
d’un voyage sans escales vers l’origine du rêve.
Un tunnel voyageur traversa la lumière
une voix de crapaud annonça le silence
Un train s’arrêta se déclarant en grève
Une nature sauvage me vendit sa tanière
pour aller voir ailleurs des terres en sursis
Comme d’ailleurs je sentais que je l’étais aussi
Les caresses trompeuses racontaient une histoire
qui pouvait ressembler aux amours enfantines
que l’on a oubliés au fin fond d’une armoire
La mémoire est bizarre et parfois elle patine
La tempête se retire digérant ses victimes
l’orage est fatigué, et je compte debout
Le nombre hallucinant de mes blessures intimes
Je n’étais pas couché je n’étais qu’a genoux
Dans la salle d’attente d’un service d’urgence
Un moribond soudain se jeta à mon cou
Criant désespéré que l’on donne leur chance
A la génération qui viendra après nous
Personne ne comprenait
Mais moi, sûr, je savais
Que demain est malade
Derrière une belle façade
* * *
Ce texte fait partie des 29 poèmes reçus mercredi 25 mars 2020, lors de la première scène confinée du Chat Noir. Retrouvez les autres dans le compte-rendu de cette restitution virtuelle.