En ce soir de décembre, des vibrations électro font trembler un coin du parc de la Villette. Les gens s’interrogent, pensant à un concert au Zénith, mais ça vient de la Grande halle. On est d’abord invités à l’extérieur, comme dans une performance de rue. Juchée sur une grue, une femme harangue la foule avec un porte-voix, expliquant qu’elle ouvre sa fondation regroupant les œuvres de l’art occidental. Vincent Macaigne dirige son petit monde en courant à droite et à gauche, demande à ce qu’on baisse la musique ou qu’on remonte la grue. Cette femme très riche, Madame Burini, vient du monde d’en haut, et elle veut partager ses œuvres avec le monde d’en bas, celui de la plaine de la Villette. Outre ce conflit de classes, un conflit de génération va être mis en scène.
Lorsqu’on entre dans la Grande halle métamorphosée en espace artistique, enveloppés d’une épaisse fumée et d’une superposition de plages sonores saturées, il se passe quelque chose : on déambule sur scène, on regarde les tableaux du Caravage, puis on va s’asseoir. Alors, nous voici spectateurs du chaos. Dans sa fureur, la jeunesse fait exploser le musée, la scène est incendiée, inondée saturée de déflagrations que le public endure avec des bouchons d’oreille (comme Michael Youn distribuant jadis des ponchos aux premiers rangs)… Ensuite, quelques spectateurs sont invités à danser sur scène et des figurants traversent la salle en escaladant les sièges, dans une interaction un peu factice.
« Il est désespérant d’être nous », tague un homme à la peinture rouge sur un tableau, dont on découvre qu’il est le mari de la milliardaire. Auparavant, leur fille a interpellé le public en mode stand-up, regrettant une éducation post–soixante-huitarde, tandis qu’un vieux film de vacances montrait les parents défoncés à l’acide sur une plage, tenant dans leur bras leur nourrisson malmené.
Vincent Macaigne est un comédien très doué, l’auteur d’un premier film étonnant, Pour le réconfort, et ses nouvelles expérimentations scéniques, comme Je suis un pays à Nanterre, produisent des simulacres de révolte qui donnent des frissons à l’establishment culturel. Mais il y a quelque chose de convenu dans ces bacs d’eau déversés sur la scène recouverte de plastique imperméable. On a l’impression d’une soirée techno dans une friche urbaine, sauf que là c’est subventionné.
Oui, Macaigne montre la crise d’une jeunesse indignée et désorientée, prise entre nihilisme et incompréhension, refusant la génération précédente sans pouvoir créer quelque chose. Oui, le travail sonore est intéressant. Mais au fond, ce geste de provocation artistique, cette installation théâtrale en ébullition se montre surtout elle-même, sans parvenir à évoquer le monde.