Avec vue sur la piste, la création de la précédente promo du Centre national des arts du cirque (CNAC), sous la direction d’Alain Reynaud, était une compilation du cirque actuel en mode cabaret foutraque. Outre une cohérence d’ensemble, un souffle spirituel se dégage du spectacle de la nouvelle promotion, mis en piste par Gaétan Lévêque et intitulé Vanavara, « lieu en sommeil rempli d’histoire, porteur de la mémoire d’un autre temps ». Ce nom désigne un village en Sibérie orientale touché en 1908 par un météore qui avait dévasté vingt hectares de forêt.
Sous le grand chapiteau de la Villette se dévoile un monde post-apocalyptique peuplé de rochers, d’arbres décharnés, entourant une piste minérale dont s’empare une meute bestiale aux mouvement fluides, chorégraphiés jusqu’à la danse, créatures rampant et roulant au sol qui semblent des singes ou des êtres humains dégénérés… Chaque élément du décor est un outil, comme ces arbres sonorisés qui deviennent instruments à percussion, à cordes, sur lesquels les élèves jouent en direct une musique minimale et tribale. Mais l’outil premier, bien sûr, ce sont les corps qui déploient leur force, s’enroulent sur eux-mêmes, se portent, main à main, voltigent, s’enchaînent aux sangles, s’agrippent à la corde, au mat chinois et au trapèze (aux mouvements de balancier si amples), ces corps que le trampoline aussi projette au fil d’une chorégraphie précise.
Ils sont quinze et toujours en mouvement, se suivent et s’agglutinent pour que de la masse qu’ils forment s’élève l’un d’entre eux. Quelques personnalités émergent de l’ensemble, comme le contorsionniste Adalberto Fernandez Torres, ou ce voltigeur qui se déplace à la vitesse de l’éclair, façon jeu vidéo, Clotaire Fouchereau. Mais tous livrent une performance essentielle, sans artifices, nécessaire à créer une oeuvre qui dépasse le traditionnel cadre circassien.