Depuis ses années lycéennes, Caubère aime jouer la poésie, non pas la dire ou la réciter mais la jouer. Entre 1996 et 1998, il avait retrouvé ce bonheur en portant les poèmes d’Aragon avec une force inédite, dans son remarquable spectacle Le Communiste et le Fou. Il incarne ici un homme qu’il a connu, André Benedetto, auteur, acteur et poète avignonnais, qui créa et dirigea le festival off. Accompagné sur scène d’un guitariste virtuose dont les riffs rappellent l’atmosphère de Woodstock et d’un écran où défilent photos de poètes et vidéos d’ambiance, Caubère est ce comédien debout, révolté, qui clame les textes à la manière d’un « beat poet » ou d’un slameur.
S’il reprend le titre du recueil de Benedetto Urgent crier, le comédien n’en dit pas un mot : son texte, sorte de manifeste révolutionnaire et incantatoire, s’inspire surtout des Poubelles du vent. Il reprend également des discours que donna plus tard Benedetto, moments enflammés évoquant Artaud, qui a vécu l’horreur du 20e siècle dans son corps souffrant ou Vilar, un homme respectable, laconique, sans aucune trace de fascisme (« méfions-nous du pathos »).
Ici comme souvent à la Maison de la Poésie, le spectateur doit faire un effort de concentration. Mais passée la difficulté, c’est un monde puissant qui s’ouvre à lui, d’autant que l’interprétation forte en gueule du comédien est saisissante d’énergie… Sa diction est naturelle, sans afféterie, empreinte de cet accent provençal qui était plus ou moins celui de Benedetto. Caubère a une présence, un caractère et cette rare faculté de rendre vibrante, réelle, vivante la poésie. Rien n’est figé, les mots résonnent et s’imbriquent dans les rais électriques de la guitare.