Voici la rencontre entre le metteur en scène Hassane Kouyaté, qui porte le nom d’une famille de griots malinké, et le rappeur, slameur, désormais auteur D’, Balbynien* d’origine antillaise… Après sept albums dont trois en solo et deux avec son collectif Spoke Orchestra, D’ fait le pari difficile de passer du slam au théâtre. On reconnaît le flow haché et la voix parfois grave et vibrionnante du slameur. Sa « Nuit en palabres » est un spectacle hybride, riche et brouillon, qui mélange les mots et les sons dans un laboratoire musical. Car le sujet c’est les mots, l’union du son et du sens, à travers la rencontre de Tarek le diseur (interprété par l’excellent Abd El Haq) et Aka le poète papier (D’) : l’un a perdu les mots, l’autre les sons. Un vieux sage à la logorrhée fumeuse complète le tableau (Denis Pourawa à la diction difficilement intelligible).
Tarek et Aka sont en cage, dans un fatras de cartons contenus par des grilles où logent aussi deux musiciens, Franco Mannara et Benoît Delbecq, qui composent en direct une musique embryonnaire, électrique et rythmée. Le texte pose beaucoup de questions intéressantes, mais D’ envisage le langage d’une façon très technique et analytique. Présente dès le premier album de son groupe de rap, Kabal, cette tendance complexifie une écriture poétique inspirée.
On assiste à un spectacle très riche, qui marque par son texte scandé sur une musique composée en live. Le parcours de D’, auteur et comédien encore très influencé par le slam, mérite d’être suivi avec attention.
* habitant de Bobigny
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