Tristan Lucas est nonchalant, un tempérament normand, nous dit-il, qui sert et dessert sa performance : d’un coté il fait preuve d’une assurance tranquille et à toute épreuve, semblant ne jamais éprouver le moindre trac (il cite à ce propos le bon mot de Sarah Bernhardt*). De l’autre, il ne se presse pas pour délivrer sa vision du monde à un public clairsemé (pas facile dans ces conditions de créer une ambiance, ce qu’il parvient tout de même à faire). Résultat ? Un certain manque de rythme que rattrapent les moments improvisés où il rebondit sur les réactions d’un public âgé, fort de l’expérience acquise avec sa troupe d’impro, Les Ours dans ta baignoire.
En plus d’être zen, Tristan Lucas est sympa et intelligent. Son show est un stand-up décontracté et plutôt classique qui fait alterner des sketchs, quelques bonnes grosses blagues lourdes et des réflexions assez fines sur la vie quotidienne ou la société. Ainsi, il développe une critique faussement cynique de la pauvreté, glisse des allusions morbides aux maisons de retraite où il drague une pensionnaire, évoque ses échecs amoureux et les filles qu’il a connues dans un passage réussi. Car s’il verse dans la facilité en resservant des choses déjà vues comme la réflexion sur les cinq premières minutes d’un one-man où le public est en phase d’observation, tentant une minute de silence en observant le public , le comédien est spirituel quand il évoque ses voyages, ses échecs… Et il manie bien le renversement, en notant à la fin les spectateurs en fonction de leur comportement au long du show.
De temps en temps, il s’engouffre dans des sketchs un peu longs et poussifs, comme l’ingénu pris en otage qui se croit au club Med ou une réunion marketing qui devrait pourtant sentir le vécu. En sortant du show, on ne se souvient pas de grand chose. L’heure s’est passée tranquillement, mais on a l’impression que Tristan Lucas ne s’est pas fait violence pour créer du rythme et des surprises. Dommage car le gars a du potentiel…
* Sarah Bernhardt recevant une élève comédienne :
– Mon petit, avez-vous le trac ?
– Non, Madame.
– Rassurez-vous, cela viendra avec le talent !