Sur la scène du majestueux Palais Royal, on remarque d’abord un hypster barbu au piano et une jolie punk à la batterie. Et voici que se profile la silhouette galbée de Stéphane Rousseau : mais attention, il a changé, fini le beau gosse, fini aussi le crooner, notre homme va se livrer le plus naturellement du monde. Et de fait, loin des spectacles artificiels et appuyés, ce show distille une ambiance cool et légère, très agréable.
Le comédien commence par cette confession : il a vieilli, même si ça ne se voit pas, et ressent ses 48 ans aux plis formés sur son cou et aux râles qu’il pousse en se levant et s’asseyant. En leitmotiv revient la figure de sa mamie dont les enseignements et la voix ont un côté maître Yoda. Il évoque aussi sa copine, enfin son ex, une Parisienne d’origine italo-tunisienne dont il décrit avec une justesse très comique les plaintes à l’hôpital quand elle a mal à l’œil. Tout comme Yann Stotz qui fait un show à l’américaine dans sa lignée, Rousseau fait peur aux enfants qu’il garde, comme ce gamin effrayant à tête de Chuckie.
Il étrille en finesse l’arrogance parisienne – « à Paris vous parlez bien anglais mais vous ne le comprenez pas » -, souligne l’agressivité latente qu’on ressent dans la capitale, lui qui est si gentil. Bon, il se moque quand même de ses trois techniciens, dont un est con mais l’ignore (très drôle). Il joue aussi avec ses musiciens, interpelle son pianiste qui boit une bière pépère et entame une battle au djembé avec sa batteuse…
Le Québec, la France. Tout le monde en prend pour son grade, avec tact toujours : « Ce que j’aime dans l’accent québécois, c’est qu’il donne envie de tomber amoureux… d’une Française ». S’il imite avec un talent mimétique les chanteurs à mèche post-Gainsbourg, il n’épargne pas les chanteurs à voix québécois : « Nous aussi on a nos chanteurs reulous et on vous les envoie parce qu’on n’en peut plus ! »
Quand vient le moment d’interpréter l’un de ses personnages fétiches, Rico le latino charmeur, il fait monter sur scène une spectatrice un peu froide, à l’image d’une salle peu réactive, mais ne se démonte pas.
Stéphane Rousseau parle de tout avec naturel, sans insister sur ses effets, et nous fait partager qui il est vraiment, au-delà de son image de beau gosse. Il se livre et il chante tranquillement, sans trop en faire, tandis que ses traits d’esprit fusent comme si de rien n’était.