Pour son nouveau one-woman-show, après La vie rêvée de Fatna (2006), L’Odyssée de ta race (2009) et Une si belle époque (2010), Rachida Khalil reprend ses thèmes de prédilection : d’abord son personnage de tante Fatna, qui, en plus de Saddam et Ben Laden, compte maintenant Kadhafi et Ben Ali parmi ses fils. Ensuite ces intermèdes dansés, assurés ici par quatre créatures court vêtues, et ces défilés de mode religieux dont Sophia Aram avait d’ailleurs repris l’idée.
La tante Fatna ayant perdu de vue sa nièce Karima, elle imagine ses vies possibles au fil d’une galerie de portraits assez convenus : une snob en robe fendue qui organise des soirées de charité pour les pauvres, une travestie qui débat de la gay pride avec son copain homo, une caillera façon Julie Ferrier, une « Bougnoule » devenue « Bougnate », ou une prostituée marrakchie…
Sur scène, donc, Rachida Khalil n’est pas seule : en plus des quatre danseuses qui semblent là pour divertir un public friand de cabaret, deux comédiens l’accompagnent, Otman Salil, peu convaincant, et Abdelrahim Khalil qui s’illustre dans deux sketchs réussis avec la tête d’affiche… Soit un couple de beurs franchouillards – « Maintenant qu’on est là, faut faire avec », disent-ils, comme en substance Fellag dans son dernier spectacle – et ces colons arabes considérant avec mépris un occident sous-développé, à l’image des correspondants des Lettres persanes.
Bien sûr, La Croisade s’amuse a une portée politique. Mais cette critique de l’extrémisme musulman comme du racisme ordinaire ne révèle aucune surprise. Les jeux de mots sont parfois maladroits, comme lorsque Fatna prévient : « la vie ne tient qu’à un fil, et je vais vous en donner du fil à retordre » et les vérités générales se succèdent avec un certain didactisme, entrecoupées de chorégraphies guillerettes. Sans ces danseuses, la comédienne parviendrait-elle à occuper seule la scène ?