Au début du mois d’août 2020, j’ai proposé un nouvel atelier poétique dans le cadre du festival Humour et Eau Salée, d’après une idée farfelue que son directeur Denis Lecat avait bien voulu accueillir avec enthousiasme.
Article publié le 29 août 2020
Le mardi 4 août à 10h31, quinze aspirants poètes étaient réuni(e)s sous un arbre, à côté du totem dressé du phare de Saint-Georges-de-Didonne, dominant la mer. Ils étaient venus après s’être s’inscrits à l’atelier poétique sobrement intitulé Y’a pas que le coucher de soleil dans la vie !, annoncé sur le programme du festival Humour et eau salée.
L’objectif était de produire un poème collectif ‘romanti-comique’, c’est-à-dire relevant aussi bien, en toute modestie, de l’héritage romantique de Chateaubriand que du comique de Coluche. J’ai emprunté quelques vers à chacune et à chacun des participant(e)s pour produire le résultat que voici (l’intégralité des contributions étant à découvrir ici) :
* * *
L’océan de Saint-Georges veut éteindre le feu
que crache le Dragon combattu par Saint-Georges
Les mâts des bateaux crissent
violon désaccordé
désemparé je cours
sans jamais m’arrêter
Femme libre, ta chair ira trouver la mer
chaque brillant est ton enfant
Tu l’embrasses et ton cœur
fait des bonds convulsifs
bloc de pierre en planque
Comme au diapason
le phare donne le ton
de ce cœur aimant
formidablement
Il parle, totem en chaleur :
« Soleil, caresse mes pierres
fourmi entre dans mon âtre
monte contempler mon âme »
Trois poissons se battent en duel
bruit de fond le jet ski
tourne sur lui-même
comme toupie lancée
par des enfants cruels
Moi bloc de pierre face à l’océan
à mon côté s’abritent
les poètes sous l’arbre
Moi tronc rempli de feuilles d’or
en mon ombre s’embrassent
amoureux du coucher
des amoureux des mots
du coucher à l’aurore
Arbres frissonnant dans le ciel embrasé
Le banc attend les bateaux
Innamoramento
Du rivage de ton regard j’embrasse le ciel
dans la chambre d’hiver à l’abri des volets
du banc où je m’assois je deviens une artiste
La mer une flaque dans un verre glauque
insultée par un caillou dressé
Un bruit qui passe par là
il se reflète dans la mer
et plus que tout
touche ce magnifique majeur
Écumés des klaxons
pro-jetés du Havre
nous arrimons
sur l’axe
mix pain mix peint mix pin
La mer
blême et verte à vomir
aimerait prendre un bain aux algues de la mer
arrêtez de la peindre
de votre vague à l’âme
La mer ta mère
clapotis clapotant
fait la planche à pain dans la mer
ta mère de rire en éclat de moules
ta mère en traînes de perruque d’algues tourbillonnantes
L’horizon fait briller
Le clapotis de l’eau
Le sable argenté
Se confond, fait écho
À mon cœur apaisé
Envie de m’évader
Alors s’abandonner
À la douceur du vent
Si la mère n’était d’huile
si je n’avais de tuiles
le sable serait farine
et la nuit bleue marine
je t’aurais transformé
mon phare
plus tard
comme ça sans raison
en un bon far breton
Dans un verre, chaque poète coule son essence
Chaque pichet de chaque taverne est un poète ivre de mots rouge intense
Le sang vin du cœur il coule sur la feuille blanche
Le Cap tenu l’esprit se perd
et dérive vers une flamme
Une fois même, la haute marrée
m’ emporta loin du domaine
de fée
Je retourne à la terre
Ferme les yeux sur le sable
Aviron, je termine cette fable
Et je vois ces oiseaux qui au loin ont cuit
Il y a du vert il y a du bleu il y a la mer il y a nous deux
* * *
Le surlendemain, deux vers composés par le plus jeune participant, Arthur, 11 ans, étaient inscrits en lettres de sable sur la promenade de Saint-Georges par la machine Skryf de Ido Koppenaal : « Un bruit qui passe par là / Il se reflète dans la mer »
Merci à Sonia Pataux de l’ Association culturelle Créa, présente lors de l’atelier, d’avoir pris une partie des photos illustrant cet article.