Ecrire aujourd’hui une épopée pour la mettre en scène est un défi. Il y a sans doute, dans le projet même de Godefroy Ségal, de la compagnie In Cauda, qui avait adapté Les onze mile verges à la Maison de la poésie, le risque d’un lyrisme grandiloquent ou féerique. Sans compter que ce spectacle épique et historique sur la rivalité entre les Celtes et les Latins, qui évoque le passage du paganisme au christianisme, déroule sa chronologie de façon un peu pédagogique.
Cette mythologie gaélique narre la création puis l’engloutissement de la cité d’Ys, par la fille du roi Gradlon de Cornouaille, lequel résiste à la christianisation imposée par Rome. Pour matérialiser l’Océan furieux, un bac est placé à l’avant de la scène, où parfois se jettent les comédiens… Les répliques sont souvent criées, les acteurs courent partout, tandis qu’on aperçoit au fond les silhouettes des seize choristes de Pantin, qui succèdent à ceux de l’Ensemble Vocal de Saint-Quentin-en-Yvelines et précèdent ceux du Mans. Les scènes charnelles alternent avec des tableaux de meurtres soulignés à grand renfort de liquide rouge, au fil de deux heures et quart assez répétitives.
Si le texte déploie par moments une vraie force épique, souvent le mélange entre un style écrit et argotique sonne étrangement. Les registres se confondent sans se mêler, comme si le ton juste n’avait pas été trouvé – mais comment faire entendre de nos jours une épopée en évitant tout maniérisme ? Une certaine force narrative émane néanmoins de ce projet qui implique la population des lieux où il est joué.
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