Philippe Caubère – La baleine et le camp naturiste (Adieu Ferdinand ! Suite et fin)

Philippe Caubère fait partie du patrimoine théâtral français. Certains disent même qu’il a réinventé le one-man-show, en incarnant des centaines de personnages sur scène. Oui, l’entreprise est impressionnante, puisqu’il a entrepris de jouer seul sa vie et ses projets, ne pouvant monter toutes les pièces qu’il voulait créer. Ça a commencé en 1981 avec La danse du diable et Le roman d’un acteur où il incarne le rôle de Ferdinand, son alter-ego féru de Proust, Céline et de commedia dell’arte. Soit un roman théâtral autobiographique comptant pas moins de 24 spectacles de deux heures, et dont Adieu, Ferdinand ! Suite et fin figure le dénouement.

C’est une ode à la liberté sexuelle que dévoile La baleine et le camp naturiste, premier volet de cette trilogie finale qui inclue aussi Le Casino de Namur I et II. La baleine raconte comment Caubère va tromper sa compagne Clémence – Clémence Massart qui se produit toujours sur scène -, conformément à leur engagement de liberté, avec une des comédiennes de la troupe du Théâtre du Soleil. Plus riche en personnages, Le camp naturiste narre, deux ans plus tard, une expédition avec son frère et Clémence dans le camp de Montalivet. Caubère, 30 ans, a quitté la troupe d’Ariane Mnouchkine, depuis 2 ans, pour rejoindre l’ensemble théâtral de la nouvelle Belgique. Mieux vaut avoir les références pour bien saisir le texte : l’histoire de la Cartoucherie de Vincennes, le premier rôle de Caubère dans le film Molière, son échec en Lorenzaccio dans la cour du Palais des Papes durant le festival d’Avignon 1979.

« Ça s’est vraiment passé comme ça ! », confie parfois le comédien en aparté au public. Vif, répondant toujours aux réactions de la salle, Caubère dévoile un talent d’acteur à la gestuelle précise et fluide, avec des mimiques très évocatrices et une mémoire sans faille, sauf à un ou deux moments où on lui souffle. Le débit est soutenu et le corps athlétique, malgré le poids des années, évolue dans un jeu de lumière minimaliste.

Pourtant, malgré la vigueur du comédien, c’est un spectacle générationnel. A ceux qui ont grandi avec le stand-up et le one-man-show, cette mise en scène semblera un peu poussive, d’autant que la première partie est répétitive, semée d’imitations d’accent arabe à la Michel Leeb. Dans le camp naturiste, à la fin, il retrouve une fougue comique en incarnant ce vieil échangiste bordelais qui raconte les origines du camp de Montalivet, avec une verve plus efficace. Si les spectacles de Philippe Caubère était si novateurs dans les années 80, cela semble aujourd’hui plus commun, même si les spectateurs du Rond-Point rient beaucoup en 2h10 de performance.

On préfère le comédien scandant les textes de Benedetto ou André Suarès à la Maison de la poésie, ou interpénétrant Aragon dans Le communiste et le fou sur l’île du Frioul. Mais seul sur ce plateau nu, métaphore de la page blanche ou de l’écran vide, Caubère mène ce combat contre le temps qui passe avec une fougue remarquable.

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