Au début, c’est Céline Groussard qui investit la scène. De sa voix de crécelle hésitante, elle met l’ambiance, gagne les faveurs du public et crée la zizanie dans le bateau qui tangue. Patrick Chanfray ne tarde pas à faire une entrée géniale, comme au Palais des glaces lors du gala Jokenation France : il salue presque à la moitié des spectateurs, pose une main sur une épaule, commente une coiffure, s’assied sur un siège, invectivant d’une voix de stentor le public qui se prête au jeu.
Patrick Chanfray est un personnage, un futur grand de l’humour, doté d’un style unique, entre les Monthy Python et Laspalès, qui raconte des histoires absurdes ou oniriques un peu à la manière de Ben. Sa voix porte très fort et très loin, il multiplie les ruptures de ton et de rythme, et son texte est empreint de décalages absurdes. Même s’il n’en est qu’à ses débuts, le comédien a une assurance scénique remarquable, ce qui l’amène à être un peu long parfois – le spectacle dure quand même 1h30… Il se lance dans tous les registres, y compris le sérieux, ou le mélancolique, lorsqu’il nous livre un poème évoquant ses souvenirs d’école, sorte de passage obligé de certains shows, hélas.
Ça part dans tous les sens, donc : le comédien se barre, revient, un acolyte déguisé en serveur fait quelques apparitions pour lui apporter un Perrier, il interpelle les femmes avec des noms d’hommes et inversement. Il a aussi ses petits jeux de scène, ses gestuelles, ses imitations absurdes comme celle du vibreur du téléphone. Plusieurs personnes cohabitent en lui, comme le suggèrent le titre et l’affiche. A 20 000 lieux du stand-up axé sur la vie quotidienne, c’est un show absurde, joyeux et intemporel que sert Patrick Chanfray avec une aisance remarquable.
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