Voici une féerie, une fantaisie singulière par rapport à la production actuelle. On la doit à Ged Marlon, le barman de Palace, ex collègue de Farid Chopel, apprécié dans son précédent one-man-show. Il s’agit de la suite de sa Comédie Fluviale de 1997, où le comédien était également en tandem avec Jean-Claude Leguay.
Deux hommes, deux frères, deux clowns se retrouvent côte à côte dans une pirogue. Il ne savent pas qui ils sont, mais recouvrent petit à petit la mémoire de leurs noms, comme au début de la Cantatrice chauve. Ils s’appellent Bull (Sitting) et Davy (Crockett) et sont affublés de leurs couvre-chefs traditionnels, longues plumes et peau de castor… Ils pêchent, attendent, divaguent. Le guacamole de truite au raifort qui pend au bout de leurs hameçons est très apprécié des poissons. Davy a dix ans, il est en sixième et il est amoureux. Alors son comparse l’aide à écrire une lettre d’amour très drôle, comme ce passage où ils assistent à une noyade sans comprendre ce qui se passe.
La scénographie est simple, en deux plans superposés : les comédiens dans la pirogue et les poissons qui défilent devant eux, façon cartoon minimaliste. Un canard, un lapin tombent du ciel, dont ils se font des casse-croûte, ils prennent leur reflets pour des personnes : tout est ici pris au pied de la lettre. Les répliques s’enchaînent dans un tac-au-tac de répétitions et d’inversions parfois dépourvues de sens (« – quoi ? » « – quoi quoi ? »), dans l’esprit des Diablogues de Dubillard.
Cette fantaisie légère, poétique et burlesque, a un charme étrange et entêtant, un peu gratuit. Ged Marlon suit toujours le fil de son imagination, et déroule ce spectacle comme un rêve charmant, auquel on ne comprendrait pas grand’chose…