Yann Reuzeau est à la fois le directeur de la Manufacture des Abbesses et un jeune auteur prolifique qui écrit sur le monde contemporain des pièces qu’il met en scène sans les conventions qui parfois pèsent au théâtre. Après avoir tissé dans Chute d’une nation une épopée politique sur l’ascension d’un petit député promis à l’aventure présidentielle, en 4 épisodes captivants de deux heures chacun, c’est au monde de l’entreprise qu’il s’attaque maintenant. Un univers dont il n’était pas familier, mais qu’il rend avec une acuité particulière sur scène, où l’incarnent d’excellents comédiens, au plus près de la réalité.
Le patron d’une boite florissante et humaine décide de la vendre. Ses salariés se retrouvent devant le fait accompli, hésitent et décident de racheter leur entreprise pour en faire une Scop (société coopérative et participative). C’est vingt ans d’une aventure autogérée qui nous est contée, avec toute la subtilité nécessaire dans la présentation les dilemmes qui en découlent : quelqu’un doit il commander ? Peut-on être à la fois patron et ouvrier ? Peut-on licencier ? Que faire des bénéfices ? L’intelligence de l’écriture consiste à mettre en évidence ces rapports de forces permanents et qui évoluent sans cesse sous des forme inédites. Entre le patron, l’ouvrière, la secrétaire, le créatif, le second et l’aide comptable si travailleuse, on ne sait plus qui est qui, qui peut faire quoi, chacun ayant des aptitudes à diriger que les autres n’ont pas.
Durant 1h55 d’une intrigue complexe et tendue bien qu’un peu longue, faite de scènes courtes et de dialogues vifs qui s’enchaînent, le spectateur est captivé comme devant une série. Mécanique instable est un spectacle actuel, pertinent et même drôle par moments… La mise en scène se met au service du jeu et de l’intrigue, dans une scénographie on ne peut plus épurée.