Voici la nouvelle création du prolixe Yann Reuzeau, fondateur il y a 20 ans de la Manufacture des Abbesses. Dans Les Témoins, l’auteur explore toujours la veine d’un théâtre impliqué dans son époque, obéissant aux codes des séries télé, avec une équipe de comédiens en partie présents dans sa précédente création. Cet état des lieux d’un pays après l’élection d’un président d’extrême droite explore un thème dans l’air du temps*, annoncé à la fin de Chute d’une nation mais narré cette fois du point de vue de la salle de rédaction d’un grand quotidien. Pour ce faire, l’auteur s’est entretenu avec des journalistes de Libération. Résultat : une pièce bien informée, à la scénographie simple et habile affichant en grand les écrans des journalistes écrivant en direct leurs articles. Pourtant, la pièce verse dans l’excès et le hurlement facile, en 2h15 qui auraient pu tenir en 1h30.
Peu après l’annonce de l’élection, une succession de lois vont déconstruire la démocratie, nier le droit de manifester, bafouer la liberté de la presse. Progressivement la Constitution est décousue puis enterrée, toute forme d’opposition matée. Les titres du journal se font l’écho des polémiques : un scandale sanitaire impliquant de gros laboratoires, une affaire diplomatique avec l’Iran, un projet de terrorisme écologique.
Les conséquences de cette instabilité politique et sociale sont vues de l’intérieur, à travers le portrait d’une rédaction divisée entre ceux qui veulent prendre le maquis et ceux qui cherchent à composer avec le pouvoir. Toutes les sensibilités sont représentées parmi les journalistes, dans ces controverses où s’invitent des histoires intimes. Les six comédiens jouent souvent juste, mais avec excès et hystérie parfois, au risque de lasser les spectateurs.
* cf. par exemple la pièce de Salomé Lelouch.
