Carlo Goldoni (1707-1793), considéré comme l’inventeur de la comédie italienne moderne, écrit des pièces enlevées aux résonances très actuelles, à l’image des Cancans, ici mis en scène dans la Venise des années 50. Beppo et Checchina doivent se marier. Tout irait pour le mieux si les commères ne faisaient courir les bruits les plus infâmes sur la future mariée, un bouche à oreille qui scande le spectacle de bout en bout. « C’est une bâtarde », disent de Checchina les dames cancans, avant d’inventer de nouveaux ragots. La pièce est ainsi rythmée par ces racontars qui en chassent d’autres, meurtrissant toujours plus l’innocente jeune fille et son jeune promis, jusqu’à un point d’orgue, une danse grotesque autour de « monsieur cacahuète », qu’on dit être le vrai père de Checchina, cauchemar du jeune-homme qui voit chaque fois souillée sa « réputation »…
En peu de mots, Goldoni dit beaucoup sur les rapports humains : jalousie entre les classes sociales, mépris des pauvres, bêtise des femmes et lâcheté des hommes. Les mégères se rétractent dès qu’on les met face à leurs potins, les hommes pitoyables s’effacent devant le nouvel ordre du jour. Un peu à l’écart de l’intrigue principale, on apprécie le personnage de séducteur tragi-comique, costumes limés et poches vides, dont les discours énamourés servent de distraction aux dames de la haute société…
Tout est drôle, tout est bien fait : le décor de panneaux colorés, les costumes brodés et ces douze excellents comédiens qui servent avec énergie le comique de ces réactions en chaîne, secrets jamais gardés, révélations faussées… En plus, l’adaptation de Dorine Hollier parsème les dialogues de mots d’aujourd’hui qui sonnent juste. Au fond, c’est l’hypocrisie humaine que pointe Goldoni dans cette farce enlevée, vive et fluide, où pas un mot n’est de trop. Scènes courtes, rythmées : 1h20 de pur divertissement !