Daniel Picouly, écrivain et présentateur d’une émission sur France O, ne semble jamais se départir de son naturel guilleret. Après avoir invité des comédiens dans son Café Picouly, il monte sur scène, seul, pour évoquer son enfance. La faute d’orthographe est ma langue maternelle commence par la restitution d’une scène traumatique, sa mise au piquet à dix ans pour avoir fait 26 fautes 3/4 à la dictée. Le maître l’assène : « il est bête à manger du foin ». Si cette humiliation lui donne des envies de meurtre, qu’on ne s’y trompe pas, le ton de ce spectacle n’est jamais revanchard ou violent. C’est dans la tête d’un enfant de dix ans que nous plonge l’écrivain, la soixantaine passée, qu’assaillent ses propres souvenirs lorsqu’il revient dans son école de Villemomble, en banlieue parisienne, parler aux élèves d’aujourd’hui. Entre passé et présent, il se prépare à répondre à leurs questions et retrouve au fond de la classe ses chers soldats Mokarex.
Daniel Picouly évoque son enfance à la première personne, dans un style littéraire, un peu sur le mode narratif trouvé par Emile Ajar dans La vie devant soi. Fan de théâtre depuis l’adolescence, ancien prof et présentateur au verbe facile, est-il pourtant un comédien ? Pas vraiment. S’il énonce son texte avec aisance et fluidité, quelque chose d’artificiel émane de sa diction, lorsqu’il cherche retrouver la voix de l’enfant qu’il était.
L’ancien cancre devenu écrivain donne les clés de la lecture, de l’écriture et désacralise la chose littéraire. Car écrire sa singularité, tout le monde peut le faire. « Chacun de nous doit faire avec sa somptueuse médiocrité », « Il n’y a pas deux individus identiques, même votre clone raconterait une autre histoire que la vôtre », dit-il, évoquant le problème de l’écart entre ce qu’on a dans la tête et ce qu’on couche sur le papier. Bref, l’écriture expliquée à ma fille ou comment devenir écrivain si l’on n’est pas Proust.
Au-delà de ces conseils de bon sens, la pièce nous plonge donc dans l’enfance de l’écrivain, sa primaire à Villemomble, son collège et son lycée à Orly et Ivry, les histoires racontées à ses sœurs avec ses soldats Mokarex, où il confrontait Marie Antoinette, dont il s’imaginait le fils caché, et le chevalier de Saint-Georges, rare figure noire à laquelle s’identifier dans l’histoire littéraire. Son enfance c’est aussi l’apprentissage de la littérature et les livres qu’il a feint de lire pour séduire des filles, Proust en 4e, Martin du Gard en seconde.
Bref, ce spectacle joyeux et positif, enthousiasmant pour qui souhaite se lancer dans l’écriture, s’adresse peut-être avant tout à la jeunesse d’aujourd’hui.