C’est un exercice de style singulier, un peu abstrait, virtuose cependant : proposer au public du Petit Saint-Martin, grâce à deux comédiennes survoltées, une visite guidée virtuelle dans le monde de la beauté. A l’origine de ce projet, il y a la suggestion adressée à Florence Muller, l’une des comédiennes et coauteur avec Éric Verdin de la pièce, d’une opération la chirurgie esthétique à 40 ans. Mais pourquoi faudrait-il se plier au diktat de la beauté ? Parce que notre société ne jure que par elle. A partir de là s’engage une réflexion sur le sujet, sous la forme d’un spectacle burlesque un peu délirant, qui peut laisser indifférent aussi bien qu’emballé.
Sur scène donc, Lila Redouane et Florence Muller, côte à côte, incarnent deux femmes « d’âge moyen », excitées à l’idée de mener cette visite. Une grande complémentarité les unit : elles parlent ensemble et séparement, s’embrouillent, avant de subitement terminer une phrase au diapason, délirent, roucoulent ou bégaient avec une précision de jeu étonnante. Elles enchaînent chorégraphies volontairement idiotes et courses folles dans des couloirs, boxent dans le vide et radotent avec un comique de répétition peut-être un peu insistant. Le texte se déroule ainsi, complexe, décrivant au spectateur un parcours que celui-ci peine à se représenter. Les deux acolytes filent de salles en salles, traversent des couloirs, franchissent des prairies bordant des précipices sans qu’on ne comprenne bien où elles se trouvent. Peut-être cet exercice d’écriture est-il mal adapté à une représentation physique, théâtrale.
A de longs passages descriptifs succède une critique de la chirurgie esthétique, l’évocation de la maladie d’une mère ou une histoire d’amour ratée et on a parfois l’impression d’un fourre-tout d’idées et d’anecdotes… Ce faisant, le sujet est bien traité, avec, en guise de réponse, cette citation d’Oscar Wilde : « la beauté est dans l’œil de celui qui contemple ».