Dans l’allée du Théâtre Monfort, bordant la rue Brancion, un petit attroupement stationne devant deux containers superposés qui ont été soudés, percés, aménagés. Du théâtre en container : l’expérience, sans doute inédite, évoque une installation d’art contemporain, un happening censé interroger, comme on dit, le rapport à la scène. Car la compagnie Ktha expérimente des formes de théâtre in situ en milieu urbain, sur des toits d’immeubles, en bordure d’autoroute ou ici, dans deux conteneurs à l’intérieur desquels une trentaine de spectateurs écoutent et observent le monologue d’une comédienne. Pendant 40 minutes, elle confie au public son expérience du monde, sa passion des promenades sous la pluie, la joie d’un sourire échangé avec un voyageur inconnu dans un bus en hiver, son repli sur elle-même et sa difficulté à communiquer. Le texte évoque les aspects minuscules du quotidien, ces petits riens insaisissables qui nous émeuvent, nous rendent heureux ou malheureux.
Dans les containers superposés, les spectateurs sont divisés en deux groupes, une quinzaine à l’étage, une quinzaine au rez-de-chaussée. Vêtue d’une tenue bleu unie façon jogging, la comédienne Camille Voitellier, formée au clown et au trapèze, se confesse au public qu’elle fixe avec un sourire figé, passant d’un niveau à l’autre par des gestes sûrs, en souplesse. Parfois, pour signifier l’émotion qui l’étreint, ses paroles s’accélèrent comme ses mouvements et son souffle, une élocution précipitée qui rappelle celle de Dislexic, sans la technique de la slameuse. Sur chaque niveau, deux caméras offrent au public l’image de ce qu’il entend, lorsque la comédienne n’est pas face à lui. Une traînée apparaît derrière sa silhouette, matérialisant sa présence tout juste évanouie et l’image parfois se fragmente.
Si le texte est bon, subtil parfois, le jeu volontairement monocorde de Camille Voitellier déconcerte, comme son sourire duquel émane une ingénuité forcée. Conformément à un principe de la compagnie Ktha, elle ne cesse de fixer les spectateurs droit dans les yeux, comme pour remettre en cause la position de confort du voyeur. L’absence de modulation dans le jeu fige l’exercice et l’expérience a beau nous enfermer, elle nous laisse parfois sur le côté. Un texte d’une telle intimité ne pouvait-il être énoncé plus simplement ? Certes, les containers mettent en valeur un jeu corporel maîtrisé, où les gestes lents et sûrs de la comédienne alternent avec ses ascensions et descentes acrobatiques. Mais servent-ils le propos ?
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