La goguette est un genre musical et satirique popularisé par les chansonniers à la fin du 19e siècle. Choisissez un air connu, de Gainsbourg ou Ferré, dont vous réécrivez les paroles en prenant pour cible un homme politique ou un sujet en vogue. A l’origine, les goguettes sont des réunions de chansonniers ou d’artisans qui veulent se divertir en chansons. La première d’entre elles, c’est sans doute, à Paris en 1729, la société du Caveau, dont le nom a inspiré le Caveau de la République. Claude Duneton a consacré au phénomène un livre-disque.
Les férus du genre se retrouvent périodiquement pour la Goguette des Z’énervés au Limonaire, un bistrot à la bonne franquette sis au fond d’une cour pavée cachée derrière les grands boulevards et qui organise chaque mois un bal digne des bals populaires parisiens d’antan. C’est là que Stan, qu’on avait vu dans un café de la Bastille il y a quatre ans, a rencontré ses deux nouveaux acolytes, novices à la plume alerte. On est donc surpris de se retrouver pour cette session goguette dans un bar pseudo américain qui semble fait pour les comités d’entreprise. Au Happy Day’s Paris on demande votre nom à l’entrée, vous déposez votre manteau au vestiaire payant et obligatoire, vous arrivez dans un sous-sol molletonné rouge et noir façon cabaret hollywoodien où le demi est à huit euros et les plats pas donnés. Vous voilà donc dans un dîner-spectacle pour habitués. Il faut attendre une heure et quart pour qu’un monsieur loyal surgisse et annonce le trio à quatre, puisqu’une pianiste complète le casting.
On retrouve alors une touche titi parigot et la satire qu’on aime. Stan est entouré de deux jeunes beaux gosses, Valentin Vander au bel organe et Aurélien Merle au faux air de Boris Vian. Daech, François Hollande, Bernard Tapie ou le 49.3 donnent lieu à des chansons inspirées, en premier lieu, semble-t-il, par la lecture du Canard Enchaîné. On reconnaît certains airs : « Mistral Gagnant » donne « C’était mieux avant » (sous Sarko), « J’ai dix ans » devient « J’suis Fillon » et « Juste une Illusion » glisse vers « Juste une Une du Point ». On apprécie la goguette de Stan sur Bygmalion, où comment prestidigitation implique disparition de 18 millions… Si l’on trouve peut-être plus de talent vocal chez ses deux comparses, lui garde intacte sa geste ironique et grinçante. On aime cette vie de Manuel Vals sur « la Valse à 1000 temps » de Brel, « Merci Macron » sur « Merci Patron » ou « J’suis candidat du FN » sur « le Poinçonneur des Lilas ». Mais quand il s’agit de parodier un rap de Diams où il imagine Hollande scandant « Laisse-moi kiffer l’pouvoir avec ma meuf », Valentin Vander manque de flow et de rythme…
Que vaut donc le trio par rapport au solo ? De bons effets de chorégraphies ou de chœur, sur les accords de la pianiste qui entonne d’ailleurs une chanson anti-bio (« Scaroles… scaroles » sur « Paroles… paroles »). Forcément, on entend moins Stan et davantage les autres. Reste que la goguette s’apprécie sans doute mieux dans son jus, au Limonaire. Ou dans un bon vieil estaminet parigot, loin des repas trop bien organisés…
[Le bandcamp des Goguettes en trio
->https://goguettesentrio.bandcamp.com/]
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