Éliane est un spectacle inhabituel, kaléidoscopique, un assemblage de saynètes disparates et pourtant cohérentes où quatre brillantes clowns délirent. Le titre en forme de prénom désigne à la fois chacune de ces filles et leur mère, aperçue à la fin, qu’incarne par moments Diane Bonnot – vue dans Virginia Vulv ou Miam Miam. A ses côtés, on retrouve Lula Hugot alias Maria Dolores, Charlotte Saliou, géniale en Jacky Star avec Raymond Raymondson et la plantureuse Laurence Cools.
Durant plus d’une heure et demie, elles secouent la petite salle du théâtre de Ménilmontant et enchaînent les tableaux les plus divers, à commencer par une répétition lyrique où une jeune première à la voix cristalline est maltraitée par une castafiore aigrie, comme tant de profs de musique (voir, dans le genre, le sketch de Julie Ferrier). De temps en temps, deux comédiennes se figent dans l’embrasure d’un castelet, échangeant des dialogues absurdes : « ton moulin est vide » / « oui mais toi tu brasses du vent ». Autres clins d’œil artistiques, cette Joconde sereine côtoyant une femme au visage cubiste et déstructuré (« l’art moderne c’est au deuxième étage ! ») ou la figuration si ressemblante de cette fameuse toile de la fin du 16e siècle :
Gabrielle d’Estrée et sa sœur © Musée du Louvre
Chaque personnage est marrant : la mère dépressive, la fille qui déclame un poème féministe emphatique, la cadette innocente qui veut du rire à la cantonade, la clown jouant au cow-boy ou à l’ancien combattant avec tics et prothèse, la chanteuse kitsch des 80’s… Enfin, lorsque les comédiennes, tout en voiles immaculés, gloussent comme des vierges innocentes et lascives, c’est une vraie parodie d’amour courtois. Déguisées en collants, elle se livrent aussi à un délire de danse contemporaine façon Big lebowski :
Bon, ça manque parfois de rythme, certaines scènes s’étirant en longueur – le show dure 1h35 au lieu de 1h20. Mais comment ne pas se réjouir de cette découverte intelligente, originale et stimulante ?
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