Celui qui a du ventre mais aussi du cœur (quel titre !), c’est Cyril Casmèze, acrobate zoomorphe, c’est-à-dire ex homme-chien ou homme-singe au Cirque Archaos et au cirque Plume, qu’on a aussi vu dans le Grand Mezze. Après cinq créations avec son metteur en scène Jade Duviquet, seul ou en duo, le voici qui raconte sa vie pour la première fois. Sans prendre le risque d’un show comique, exercice le plus difficile en solo, le comédien cherche à émouvoir et il y parvient, en évoquant ce physique râblé qui l’a toujours complexé. Amenant sur scène des cartons qu’il ouvre au fur et à mesure, il déballe sa vie, rêve des voyages en train en scandant « dodeskaden »*, déplie une carte des Ardennes où il imagine avoir été sanglier, parcourt la scène en trottinette pour évoquer sa première moto et raconte la mort de son père d’une crise cardiaque, qui a marqué le début de son hypocondrie. Ses débuts au cirque, ses rôles de lion, son mariage, sa paternité : il déroule ainsi le générique de sa vie.
Heureusement, Cyril Casmèze fait aussi ce que le public attend : le chien, l’ours ou le singe, en quelques pas élastiques, grognement et raclements de gorge d’un mimétisme fascinant. On croirait même qu’il a coaché Brontis Jodorowski pour sa prestation simiesque, lui qui a aussi incarné Un grand singe à l’académie de Kafka. Entre deux chapitres de sa vie, le comédien saute à pieds joints sur un carton haut d’un mètre, à moins qu’allongé au sol, sur le ventre ou sur le dos, il ne décolle d’une secousse énergique, parenthèses ludiques qui rythment une confession (trop) sérieuse où il ne finit pas nu, comme Pippo Delbono dans son dernier spectacle, mais en slip. Avec une tendresse et une naïveté à la Villeret, Cyril Casmèze révèle son talent de comédien et nous fait passer une heure et quart ponctuée d’émotion et de sourires.
* Onomatopée qui donne son titre à un film de Kurosawa.
