Pablo Mira est le cofondateur du Gorafi, la version française de The Onion, un pastiche de site d’informations né des années après le mythique Infos du monde. Il fait aussi des chroniques sur France Inter et a tenu une rubrique au Grand journal de Canal +. C’est donc un comédien novice qui présente son premier spectacle au Sentier des halles. Paradoxe : si on découvre sur scène un acteur très à l’aise avec le public, son texte est d’une certaine faiblesse. Par exemple, ce long passage où il déchiffre ligne à ligne deux cartes de marabout au prix d’une longue paraphrase. Ou encore ce rappel qui reprend textuellement sa nouvelle chronique vue à la télé chez Yann Barthès : une analyse de posts de haters au demeurant très réussie et qui s’appuie aussi sur une base réelle.
La posture de Pablo Mira est un peu la même que celle de Chris Esquerre ou celle des journalistes du Groland : c’est la parodie implicite d’une instance de savoir. Quand Chris Esquerre contrefait l’instituteur plan-plan, Pablo Mira joue au journaliste télé engoncé dans ses tics et sûr de ses effets rhétoriques, aux phrases commençant par « alors » (l’un des Exercices de styles de Queneau) et toujours ponctuées d’une accentuation finale pour marquer la chute. Lorsqu’il débite sa litanie, on croit aussi entendre un homme politique en meeting. C’est toujours une posture d’aplomb et une diction très articulée qui ne laisse pas de place au doute.
Pablo Mira n’est pas seul sur scène, il a invité un grand métis qui attise le désir des spectatrices – David Saada, également à l’affiche d’un one-man – et un comédien au slip estampillé « Je suis Charlie ». Si la mise en scène est réussie, peut-être que ça manque un peu de consistance : il parle du manque de courage de l’homme ordinaire, rappelle l’importance pour les spectateurs de payer leur billet, sans trop parler politique. Au fond, quelque soit le sujet, il s’agit pour le comédien de l’aborder à contre-courant, dans une posture systématiquement paradoxale (= contre l’opinion) qui pourrait paraître conventionnelle à la longue.
Au fond, on ne sait pas qui est vraiment Pablo Mira, ou à quel point il est éloigné de ce dandy conservateur qu’il s’ingénie à jouer. Cela participe de la force du personnage, très à l’aise dans son costume tiré à quatre épingles pour accueillir les spectateurs avant le début du spectacle, même si cette interactivité décline pendant le show lui-même. Soit un personnage de vilain incarné par un type sympa et accessible – de quoi nourrir le mythe.
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