D’abord, un mot sur le festival Du haut des cimes, initié par le poète Julien Marcland qui a également créé un jeu de lettres baptisé Duodecim – soit douze en latin, comme les vers de l’alexandrin. Les cimes en question, ce sont celles de la butte de Ménilmontant. L,idée, c’est de promouvoir la poésie contemporaine en divers lieux du quartier, la librairie Equipage, l’association Le Ratrait, ou le cimetière du Père Lachaise traversé de balades poétiques lors du festival.
En ouverture de la 3e édition, c’était dans l’auditorium de la médiathèque Marguerite Duras, rue de Bagnolet, qu’Olivier Salon présentait sa pièce pour enfant Oulipolisson. Une mise en scène et surtout une mise en application ludique des contraintes de l’Ouvroir de littérature potentielle (Oulipo) auquel il appartient. Par exemple, une histoire interactive inventée avec le public, sur le modèle du conte à votre façon de Raymond Queneau, des dialogues marqués par l’inclusion répétée de certaines syllabes frappantes ou de diphtongues amusantes (figure de la paréchèse), ou cette fable à trous réalisée en direct et projetée sur le fond de scène, avant d’être distribuée à chaque spectateur (il s’agit, à partir de Le corbeau et le renard, d’obtenir une nouvelle fable en remplaçant certains mots par d’autres mots ayant la même initiale). Cette dimension interactive donne tout son sens à la littérature générative, avec la participation effective des enfants et de leurs parents.
C’est que, parmi les écrivains de l’Oulipo, déjà collectivement tournés vers le public lors de leurs lectures mensuelles à la BNF, Olivier Salon est aussi comédien. On l’avait vu dans sa Conférence en forme de poire consacrée à Erik Satie. Cette fois, perruque blonde et pantalon patte d’eph, il est accompagné de l’actrice Jehanne Carillon, également attifée à la façon des années 1970. Même s’il est voulu, ce côté ringard nuit un peu à l’interactivité avec les jeunes spectateurs qui ne peuvent pas tous s’identifier aux prénoms désuets dont les affuble l’oncle Jean-Patrick auquel ils doivent poser des questions – procédé comique déjà exploité par François Rollin, dont Olivier Salon partage le ton doctoral, ou Philippe Geluck dans ses « questions au docteur G ». Ici, l’oncle Jean-Patrick explique pourquoi le kangourou est doté d’une poche unique, comment les flatulences du colibri le poussent à battre des ailes si vite, ou la nature du vol en V des oies, ce nom au son [wa] primitif, comme l’avait noté Jean-Pierre Brisset en postulant l’origine batracienne de l’homme (quoi = coââ).
En 65 minutes, chansons, saynètes et dialogues nourrissent un spectacle foisonnant de trouvailles lexicales et métaphoriques – néologismes, mots-valises ou images -, comme dans ce dialogue de sourds entre deux personnages pour qui les nuages sont des hippopotames ou des édredons.