On pourrait craindre que Guillaume Bats ne soit la dernière incarnation d’un stand-up communautaire qui veut chaque fois toucher une nouvelle cible. Certes, le comédien parle de son handicap et des regards qu’il suscite, mais cet aspect est assez marginal en 1h15 de spectacle. Bien sûr, on ne peut pas faire semblant de ne pas remarquer sa difformité physique : dès le premier coup d’œil, les spectateurs écarquillent les yeux devant ce personnage au visage tordu, dont les longs bras pendent jusqu’aux genoux. Oui, il est né avec la maladie des os de verre aussi appelée, ironie de la médecine, ostéogenèse imparfaite, alors que 27 fractures postnatales traduisent un certain éloignement de la perfection. Il a côtoyé la mort depuis l’âge de cinq ans, et a été élevé dans des familles d’accueil. Un destin…
Après s’être habitué au personnage et à sa prononciation, on décèle des mimiques ironiques ou de stupéfaction qui semblaient peu identifiables au début. Le comédien s’adresse à nous en mode stand-up, brillant dans ses adresses aux spectateurs en trouvant toujours la vanne adéquate, et retrace en sketchs quelques scènes vécues. Même s’il cherche à coucher avec des filles, ses copines le considèrent comme un confident désintéressé (alternance étonnante entre désespoir et rigolade). S’il choque son public, ce n’est pas gratuitement. Lorsqu’il évoque les partisans du mariage pour tous et l’homophobie, c’est avec des accents sérieux qu’il dédramatise en balançant des vannes toujours justes. Idem pour le racisme, le CV anonyme qu’il voit comme un Motus du recrutement où il s’agit d’éviter la boule noire. Quant au slogan de Mac Do, « Venez comme vous êtes », il le traduit ainsi : « Même si t’es pédé, t’as le droit de manger un mac chicken », interprétation opposée à celle de Walter qui y voit le signe du délitement de la société : « si je viens comme je suis, je me pointe en moule bite ».
Pas de blabla superficiel, Guillaume Bats nous fait partager l’intelligence de ses points de vue, qu’il évoque des maladies dont on ne soupçonnait pas l’existence ou les réactions des gens à son égard. Car il attire les hurluberlus de tout poil, membres de sectes prosélytes et autres coachs mystiques qui voient en lui une proie de choix, sujet à tous les embrigadements : hélas pour eux, il n’y a pas plus averti que Guillaume Bats, même s’il tolère son prochain et paraît aussi sensible aux discriminations qu’il les a plus intimement vécues.