Fred Blin est sans doute l’artiste le plus complet des Chiche Capons, la bande de clowns la plus vivante et moderne qu’il m’ait été donné de voir. Il étudie à l’école Annie Fratellini, puis au Samovar où il rencontre Mathieu Pillard et Patrick de Valette avec qui il forme ce trio burlesque, bientôt rejoint par le musicien-beatboxer Ricardo Lo Guidice.
Pour commencer, une question : comment trouvent-ils ces accoutrements improbables qui leur donnent ce style si décalé et risible, à l’image du combo imper-chaussettes montantes de Patrick de Valette, auteur d’un récent solo ? On est loin de l’attirail nez rouge et chapeau pointu du clown blanc et de l’auguste. Eux se vêtissent de nippes qui semblent ramassées au hasard ou trouvées dans un placard, à la fois désuètes et actuelles, toujours ridicules. Voici cette fois un travesti burlesque, une courtisane de saloon : tête emperruquée, rouge à lèvre étalé, robe de tulle et jarretelles sortant des sabots…
En deux coups de talon et une phrase prononcée de sa voix de fausset, mimiques au millimètre, Fred Blin conquiert le public. Il annonce le programme, se répète, commente, improvise, avant un monologue inaugural en forme de parodie shakespearienne, éloquente et tragique, qui s’enlise. Il cherche sa voix, comme en répétions, la trouve avec nous (et on pense à la scène du duc de Sicile dans le Oliver St John Gogerty).
De quoi parle Which witch are you ?, sous-titré, de façon tout aussi incompréhensible, A-t-on toujours raison ? On ne sait pas. Le spectacle ne cesse de commencer, puis il donne l’impression de tourner court, et enfin de ne jamais s’achever. Avec, sans cesse, cette interrogation adressée aux spectateurs en forme de leitmotiv angoissé : « Il est quelle heure ? » Mais le temps ne passe pas et il faut assurer plus d’une heure de show, quelle galère !
D’une démarche peu assurée, le comédien passe à une voix exaspérée et sentencieuse, menaçante : un geste, une intonation suffisent à communiquer un sentiment, une humeur, un état. Sans parler d’insulter d’innocentes spectatrices (de même qu’il tabassait un gars du public avec un boudin en caoutchouc dans LA 432).
Agrémenté d’un peu de musique (du « Love me tender » d’Elvis au « Cucurrucucu Paloma » mexicain, en passant par un « Kung fu Fighting » avorté), Which witch are you ? semble vouloir prendre toutes les directions, sans jamais en choisir une. Le corps et l’esprit, la parole et la danse, la jongle et le comique visuel : tout le panel de Fred Blin est là, maîtrisé. En une grosse heure, ce spectacle présenté la première fois en 2018 à Avignon est une magnifique leçon de clown !
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