Un lundi soir à 19h30, des silhouettes tournent autour de l’église Saint-Eustache sans parvenir à trouver le lieu du spectacle. Celui-ci se joue impasse Saint-Eustache, et non dans cette salle accueillant une réunion de paroisse au coin de la rue Turbigo et de la rue Montmartre, où s’était produite il y a dix ans l’excellente Diane Bonnot dans un one-woman-show fougueux et féministe, Virginia VulV. Dianne Bonnot qu’on retrouve justement ce soir-là dans la « Salle des Colonnes » aux côtés de JP Nataf, chanteur du groupe Les Innocents, de Jean-Luc Vincent, ex-membre des Chiens de Navarre, ainsi que de deux musiciens, Stéphanie Acquette et Vincent Mougel, soutenus par une chorale cachée dans le public. Les spectateurs sont plongés dans l’atmosphère sépulcrale et intimidante de cette église de la Renaissance.
« Ah ! Félix n’est pas le bon titre » est un spectacle musical dont le texte a été composé en résidence d’écriture à l’abbaye de Saint-Jean-d’Angély par la dramaturge Sonia Bester, alias Madamelune, à partir de l’histoire véridique de Félix de Valois, moine et ermite fondateur de l’ordre de la « Très Sainte Trinité pour la rédemption des captifs ». Le récit narre, dans une forme polyphonique et avec la voix off de Philippe Katerine, la quête par le moine Félix de la relique de Saint-Jean-Baptiste en Egypte. D’abord surgit sur la scène un Jean-Luc Vincent inspiré, précieux et pontifiant dans la peau d’un coach présentant une cérémonie d’imposition miraculeuse. Il est ensuite rejoint par Félix, incarné par un JP Nataf mystérieux et presque mutique, qui a donc ramené le reliquaire de Saint-Jean-Baptiste d’Alexandrie. Enfin fait irruption Madame Chavinié, jouée par Diane Bonnot, prof de katé hystérique en charge d’organiser un spectacle biblique commandé par le Département, instance absurde censée décider de tout. Soit trois niveaux narratifs enchâssés les uns dans les autres.
Chacune des sept séquences du spectacle est ponctuée de morceaux parfaitement exécutés et très bien arrangés, notamment par JP Nataf et Vincent Mougel. La liste des compositions est éclectique, de Monteverdi et Richard Strauss à Michel Berger et les Beach Boys. Les costumes sont assez remarquables, notamment celui de Diane Bonnot en Hérodiade à la coiffe hérissée de piques, tout comme la tenue fantasque des musiciens en culotte courte et sombrero. Quant au reliquaire planté sur un piquet au milieu de la scène, il semble un fascinant fétiche vaudou.
Mais au bout d’un moment, le spectacle se complaît dans une mise en abîmes un peu poussive. On n’échappe pas au passage bateau de théâtre dans le théâtre, lorsque la prof de caté fait répéter aux deux orateurs des scènes de la légende de Félix, sous forme des saynètes brouillonnes. Bon, on peut saluer la composition musicale, et l’idée de réunir des talents aussi éclectiques qu’un rocker français et deux bons comédiens, quitte à les impliquer dans une farce un peu indigeste.