« Essayer encore. Rater encore, rater mieux ». Inspirés par cette injonction beckettienne, deux acteurs se lancent dans l’exploration burlesque du ratage. A la façon de Vladimir et Estragon dans En attendant Godot ou de Bouvard et Pécuchet, ces énergumènes tentent de combler leur vide existentiel en mettant à exécution des projets inutiles, avec trois bouts de ficelles et leurs corps meurtris, cailloux dans la chaussure, doigts dans le plâtre et bras en écharpe.
Rafael Batonnet et Michaël Périé s’imprègnent de cet univers absurde pour incarner deux êtres qui tentent d’exister sur scène et de créer une œuvre qui leur survivra. Ces comédiens issus du théâtre explorent cette fois l’univers du clown et de la commedia dell’arte, en mettant en action des trucs qui grattent, irritent et chutent. Pris dans un éternel recommencement, ils font des acrobaties, reproduisent les mêmes gestes, entrent et sortent de scène au risque de cesser d’exister. En somme, du théâtre burlesque dans son essence la plus classique, maîtrisé avec art.
Leurs ustensiles ? Une cafetière italienne, une casserole et un moulin à café, ou cette écharpe devenue une corde à laquelle ils s’accrochent pour rester en équilibre. Les corps, comme les paroles, sont bousculés ou contenus, fragmentaires. Quiproquos et équivoques abondent, comme dans ce genre de dialogue :
– Ouh !
– Où ?
– Là !
– Où là ?
– Ici.
Ce qui cimente cette succession de saynètes acrobatiques ou bégayées, c’est cet acharnement des personnages à rater avec talent tout ce qu’ils entreprennent. Un ratage beckettien qui retrouve la quinte-essence du clown, toujours inadapté, incapable de s’asseoir sur un banc ou de monter une table. Certes, la mécanique est réglée avec une précision très efficace, mais quand il leur faut 20 minutes pour monter un tréteau, le spectacle s’étire en longueur.
Après avoir tout essayé pour laisser une trace, parviendront-ils à faire le deuil de leur chef-d’œuvre manqué ?