Astien Bosche a fait ses débuts sur les scènes slam parisiennes dans les années 2005 – 2006, et notamment au Café Culture Rapide de Pilote le Hot. Ensuite, on l’a vu comédien-slameur dans le Grandiloquent moustache poésie club, improvisateur dans Le Grand Showtime produit par sa metteuse en scène Julie Muller, et acteur-auteur d’un étonnant vaudeville yéyé. Mais c’est la première fois qu’on le découvre seul en scène, dans cette vrai-fausse conférence sur Les 5000 ans de la poésie française, et même de la « poésie écrite française ».
Du vrai et du faux
Le titre donne le ton, qui consiste à mêler le vrai et le faux : si l’on peut situer la naissance de la langue française il y a environ 1000 ans, la poésie orale est présente dans toutes les cultures depuis la nuit des temps. Quant à dater l’origine de l’écriture, c’est encore une autre histoire. Si Astien se plaît à tout mélanger, ça ne l’empêche pas de faire une rétrospective assez sérieuse de la poésie, dans une parodie de conférence universitaire où il anime un écran avec sa télécommande, pour afficher quelques citations qu’il demande au public de commenter. Il y a aussi dans son jeu de scène des résurgences du théâtre d’impro, quand il feint d’attraper à la canne à pêche un spectateur ou son tableau lumineux.
Histoire médiévale
« La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie », disait Paul Valéry dont le comédien donne à lire une autre citation. Astien, lui, connaît son histoire poétique, notamment ce Moyen-Age fondamental et méconnu : il évoque la Chanson de Roland (lequel combat les Basques plutôt que les Sarrasins), les formes poétiques médiévales (qu’il nomme « styles ») et notamment la pastourelle qui consiste souvent en un viol déguisé. Mettant un point d’honneur à valoriser les poétesses absentes de l’histoire littéraire, mu par un élan féministe contemporain, il rend hommage à Marie de France plagiée par La Fontaine (cf. « Le grillon et la fourmi ».), Christine de Pisan autrice de La cité des dames et Marceline Desbordes-Valmore que Rimbaud, Verlaine ou Baudelaire saluaient en leur temps.
Générateur automatique de poésie
Les expériences actuelles ne sont pas oubliées, comme la Google poésie où il suffit de commencer une phrase par « Quand t’es… » en laissant le moteur de recherches la terminer (variante : l’usage du correcteur orthographique pour finir les mots), ou les poèmes algorithmes de Jean-Pierre Balpe, capables de générer automatiquement de la littérature postmoderne et abstraite.
Parmi les moments interactifs, Astien fait deviner des citations au public, dans une version appauvrie du Ted X Hip-Hop or Shakespeare ? du rappeur anglais Akala, en demandant : alors, classique ou rappeur ? Hélas, il ne parle quasiment jamais de ces arts poétiques qu’il maîtrise pourtant à fond : le rap et le slam. A la fin seulement, Astien propose un poème de son cru en forme d’autorisation à écrire qu’il s’adresse comme à lui-même. A ce moment-là, il nous emporte de manière plus entière que dans sa conférence. Comme s’il avait eu besoin d’écrire ce show pour se convaincre qu’il est un vrai poète plutôt qu’un faux conférencier…