Ça se passe dans un hôtel particulier de la rue de Paradis, à deux pas de gare de l’est. Cette ancienne faïencerie art nouveau a été transformée en maison hantée en 2011 par un Américain cosmopolite, Adil Houti, qui en avait déjà créé deux au Texas. Le Manoir de Paris fête ses six ans avec un spectacle intitulé Clown City 2. Pour l’occasion, des clowns se sont invités sur le parcours habituel, soit une trentaine de comédiens incarnant des légendes sombres et angoissantes de Paris, telles qu’on peut en lire dans Rue des maléfices de Jacques Yonnet.
Ce samedi, entre 15h et 18h, il y a foule dans la rue où quelques clowns morbides causent déjà des frayeurs aux spectateurs. Le parcours se fait par groupes de sept ou huit, à la file, un peu comme dans un train fantôme. Dès le début on a peur, sur nos gardes, on sursaute au moindre bruit. Des adolescentes hystériques hurlent à chaque grincement de porte. Un bras, une tête, une silhouette angoissante surgissent de ce décor très étudié. Vous êtes poursuivis dans un labyrinthe par ces figures sanguinolentes qui n’hésitent pas à vous plaquer contre les murs. Vous spectateurs, êtes exposés à recevoir de l’eau ou, pire, des tartes à la crème.
Rien ne manque au tableau : vieux portraits aux murs, pitances avariées croupissant dans des assiettes ébréchées, mobilier défunt, chaises de tortures où l’on vous attache… Il y a des obstacles, des masses qui vous arrivent au ras du nez et des passages étouffants, comme ce boyau humain qui se colle à votre peau, ou ce couloir plongé dans une obscurité totale. Voici un fantôme, puis c’est l’homme au masque de fer, ou un barbier maléfique qui refile ses victimes à un pâtissier sanguinaire. Les comédiens costumés ont tous un jeu horrifique : mouvements zombiesques, diction alternant chuchotements et cris.
Bref, durant 45 minutes vous vivez une expérience intense, sur trois niveaux, un train fantôme de luxe où vous croisez chaque personnage dans son espace dédié. Bon, au bout d’un moment, cette succession de rencontres crée un effet de répétition – inévitable – de situations, de discours ! Comme en matière de magie ou de mentalisme, ça marche sur une convention tacite, consentir à se laisser gagner par la peur. Si on joue le jeu, l’expérience est bluffante.