Voici le troisième spectacle de Christophe Guybet, fils d’Henri Guybet, célèbre acteur de seconds rôles et cofondateur du Café de la gare en 69. Après des one-man-shows plus comiques, on le découvre dans un seul en scène autobiographique où il évoque sa relation à son père. Soit une fresque retraçant trente ou quarante ans de carrière au cinéma, depuis sa présence, enfant, sur le tournage d’une scène de Mais où est donc passée la septième compagnie ? Dans ce morceau de bravoure, Guybet incarne tous les personnages à la fois : lui, le gosse de dix ans à la mèche dans les yeux, sa mère qui fume des clopes pour calmer son anxiété, son père que tout le monde salue et respecte parce qu’il est populaire et professionnel, à l’inverse de ce Jean Lefebvre représenté en benêt qui tourne dix prises pour une bonne, parle au ralenti et bave sur la maquilleuse bien galbée, maternelle et si gentille que Christophe retrouvera trente plus tard sur un autre tournage…
Sur le moment, rien d’extraordinaire, bien qu’on s’étonne que l’heure et demie soit passée si vite. Mais les jours suivants, le spectacle a laissé son empreinte, d’abord parce que Christophe Guybet est un comédien attachant, fin et modeste, toujours dans le décalage sensible, ensuite parce que cette fresque est bien construite, qu’on passe d’une scène à l’autre sans s’en rendre compte, avec un art consommé des transitions. Enfin et surtout parce ce spectacle singulier est marqué par une vie entière, sans rien d’inutile ni de superficiel.
On découvre comment Christophe est devenu comédien, malgré la figure tutélaire, forcément écrasante, de ce père qui a tout fait pour qu’il réussisse, en évitant de prendre la grosse tête lorsqu’il joue dans Boeing Boeing, le vaudeville aux 10 000 représentations. Il décrit son cours de théâtre, présente son pote suisse qui veille sur lui comme une mère et raconte, comme dans le show précédent, sa figuration à l’opéra où il est méprisé par un maître de ballet homo… Ça aurait pu être chiant ou égocentrique et ça passe tout seul, malgré, par moments, la difficulté d’incarner de multiples personnages.
Finalement, si le petit Guybet a réussi, c’est parce qu’il a suivi à la lettre ce conseil plein de bon sens paternel : « Lave-toi les dents et apprends ton texte ». Traduction ? Sois consciencieux, travailleur et modeste…
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