Le Chat noir c’est toute une époque, un esprit d’avant-garde qui fit trembler le bourgeois. En 1881, pendant la construction du Sacré-Cœur censé faire oublier la Commune de Paris qui vit le sang couler à Montmartre, un petit groupe de copains se retrouve boulevard de Rochechouart pour chanter et jouer de la musique. Très vite, le tout Paris se presse dans ce lieu rudimentaire, dont un portier en livrée bloque l’accès aux militaires et aux bourgeois mais laisse entrer les artistes, qu’ils soient musiciens (Satie), poètes (Verlaine, Alphonse Allais) ou peintres (Toulouse Lautrec). Ce premier Chat noir déménagera en 1885 dans des locaux plus cossus rue de Laval, puis boulevard de Clichy, à l’emplacement du café touristique actuel, dans un immeuble aujourd’hui détruit.
Au Chat Noir on raille l’art officiel, on interpelle Hugo et Zola par leurs prénoms, on dissèque sur la couleur des selles du bourgeois. Cette bande d’artistes bohèmes ont inventé un nouveau style de cabaret, à contre-courant du café-concert alors en vogue, imprégné d’un esprit de révolte qui inspirera Dada et les surréalistes. On y entend de la poésie argotique, des jeux de mots ludiques et tendancieux, et des chansons vantant la future République de Montmartre.
Sur scène ils sont sept à incarner un pianiste, un accordéoniste, un poète, une jeune première, une chanteuse populaire, un être androgyne et le chef de troupe, Rodolphe Salis, qui lancera son journal à 15 centimes. On sent qu’ils ont fait un gros travail de recherche quant à l’ambiance, aux textes, aux musiques inspirées de Debussy ou Erik Satie. Mais à l’inverse du concert-manifeste sur la Commune où David Lescot et Emmanuel Bex retrouvaient un l’esprit de sédition contemporain, ce « cabaret des poètes et des gueux » sent la reconstitution historique – au demeurant parfaitement réussie. Certes les comédiens sont convaincants lorsqu’ils chantent, dansent, se dénudent, se balancent des casseroles ou des noms d’oiseau, mais ils semblent pétrifiés par leurs modèles. De sorte que si c’était révolutionnaire à l’époque, ça semble aujourd’hui bien désuet.
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