Dans la lignée des Fills Monkey, une tendance est peut-être en train de naître : le show comique de batteur. Après avoir parcouru la France, Cédric Chapuis s’arrête au Vingtième théâtre pour une seule étape parisienne. Une vie sur mesure est une biographie sensible et drôle, celle d’un gamin différent des autres qui découvre un jour, dans le bruit simultané d’un ballon de basket et de légumes hachés sur une planche, le sens du rythme comme moyen d’accès au monde. La batterie étant peut-être le seul instrument qui se pratique sans rien, il s’amuse à décomposer sa démarche en noires, croches, doubles croches… Pour suivre à l’école, il récite ses leçons en cadence, comme cette fable de la Fontaine version rap, ou ce théorème mathématique énoncé en rythme. Bref, tout chez Adrien Lepage est régi par un battement de mesure, agrémenté de « notes fantômes » ou audibles. Et après toutes ces gifles à contre-temps, il reçoit comme un cadeau la claque que son professeur lui envoie au diapason de son tempo intérieur !
Si Adrien n’a pas d’amis à l’école, à la maison, Bernard, dont on ne sait si c’est son père ou son beau-père, lui répète qu’il est différent. La mort de sa grand mère sera l’occasion d’une découverte fondatrice : l’héritage espéré par Bernard, qui passe ses après-midi au bar, se réduit à deux grosses malles abandonnées sur le seuil de la maison, dans lesquelles Adrien découvre un gramophone et les disques de jazz. Puis, après pas mal de promesses non tenues, ses parents lui offrent une première batterie d’occasion. Désormais, avec sa nouvelle amie baptisée « Ticketoum », il s’entraîne sans relâche, surtout durant les grandes vacances.
Toutes ces confessions, dont aurait pu craindre le côté attendrissant ou mélo, énoncées avec justesse, sans exagération, sont entrecoupées de solos de batterie ébouriffants, qui correspondent aux découvertes musicales de l’adolescent : jazz, bossa nova, soul, funk, rap, rock ou metal. Car à l’adolescence, cette passion qui l’avait isolé du monde le rapproche de ses pairs et il crée un groupe de hard. Tout de concert, en vrac, l’ancien bouc émissaire découvre alors les filles, Metallica et la dérision entre potes avec ses expressions incontournables comme « Ça, ça va pas le faire ! ». Si l’ingénuité poussée à l’extrême peut sembler artificielle, elle transparaît ici avec un naturel d’une telle justesse qu’on se demande si tout ça n’est pas autobiographique.
Comment un batteur virtuose – également comédien – réussit-il un spectacle drôle et attendrissant ? Sans doute ce rythme, qui guide l’existence du personnage et de son auteur, est-il la clé aussi bien de la musique que de la comédie….