Lancé par La pompe moderne qui reprend des titres variet ou rap (IAM ou NTM ) façon Brassens, ou Brigitte chantant « Ma Benz » d’une voix langoureuse, le détournement musical est à la mode depuis quelque temps. Non pas la chanson paillarde qui reprend un air et substitue au texte des paroles frivoles, mais une interprétation mélodique nouvelle d’un morceau repris textuellement. Le décalage des codes crée un effet comique, en particulier lorsqu’un titre léger est interprété avec des inflexions tragiques, comme ici « Au bal Masqué ». Nouveaux hérauts de cette veine parodique, donc, les Blond and blond and blond, peut-être une référence au déjà parodique Blond Blond, remixent plusieurs influences avec un goût du cabaret ringard, notamment l’instant norvégien des Robins et une touche catho coinços façon La vie est un long fleuve tranquille.
Soient un frère et deux sœurs prétendument suédois, qui se produisent sur scène pour rendre une série d’hommages à la chanson française. Chacun des personnages est au point : le maigrissime Tø, natte blonde accrochée à la guitare, qui imite aussi bien la voix d’Akhenaton que celle de Grand Corps Malade (voir la vidéo de « Pandi Panda »), accompagné de ses sœurs, la rigide Glä au serre-tête comique et la jeune Mår à la tessiture de parfaite soprano.
Si le concept a déjà été porté en scène par Les reprises de l’impossible, les jeux de scène et les personnages sont si parfaitement maîtrisés qu’on est conquis du début à la fin. Il y a aussi de jolies trouvailles, comme cette reprise silencieuse de « The sound of Silence », un « Voyage voyage » façon Amadou et Mariam évoquant les expulsions, ou « Macumba » interprétée avec un tragique si poignant qu’il tourne au comique. Musique, chant et jeu s’articulent sans une anicroche dans une mise en scène au cordeau, à l’exception peut-être de l’accent suédois, plus ou moins bien maîtrisé par les comédiens…