Avant de se faire connaître dans Bref où elle incarnait la partenaire occasionnelle de Kyan Khojandi, elle squattait déjà les planches. Bérengère Krief fait partie d’une nouvelle génération de stand-upeuses qui arrivent après Florence Foresti, dont elle singe un peu l’élocution gouailleuse. Ses textes, coécrits par Grégoire Dey, rejouent la classique opposition hommes/femmes où, par exemple, une fille dit qu’elle a fait « un petit calin » et un mec qu’il l’a « démontée grave » ! La première scène, évoquée tout au long du show, installe cette vision binaire : en petite culotte dans sa chambre, portable sur l’oreille, Bérengère essaie des robes en prétendant à la copine avec qui elle a rendez-vous qu’elle est dans le métro. Un bon moyen de communiquer : les spectatrices girly diront à leurs cop’s qu’on la voit dans le rush en plein essayage, les mecs beugleront à leurs potes qu’elle apparaît à poils dès le début. L’opposition est filée au cours du show. Les filles ont plein de voix dans la tête, tandis que les mecs n’en ont que trois : leur moi – « il y a une fille » -, leur surmoi – « va lui conter fleurette » – et leur ça – « baise la » !
Ainsi s’installe un stand-up classique et maîtrisé où resurgissent les leitmotivs du genre : best of des pires phrases de drague entendues dans la rue (un phénomène éditorial actuel), références aux émissions de télé-réalité d’M6… C’est parfois plus original, même si déjà vu, quand elle évoque son pote homo qui voit partout des homos refoulés – Tintin et le Capitaine Haddock, Batman et Robin -, ou qu’elle incarne son innocent sosie, Natacha Kampusch. Les objets lui parlent, le pot de Nutella notamment, mais était-il nécessaire de faire un Pater Noster au dieu chocolat avec un intermède « Chaud cacao » ?
Malgré les clichés, Bérengère Krief déploie une énergie communicative, sa bonne humeur soutenue par des mimiques très efficaces. Peu à peu, sa voix, un peu forcée au début, devient naturelle. Elle propose des fusions de personnages, comme Gad Elmaleh fusionnait les noms, sauf qu’ici c’est visuel : par exemple « Gilbert Montagné + Magloire = René la Taupe qui suce des bites ». Un peu gênée de balancer ça à une classe de 4e aux premiers rangs, elle fait passer le tout avec subtilité, comme une lettre à la poste.
Dans la première partie, Marine Baousson évoque ses rondeurs et parle de ces baby-sittings où elle s’est farci des heures de Léo et Popi, imaginant la voix off du dessin animé répétant bêtement, à propos de chaque personne ou objet : « Il est gentil. Tu l’aime biiieeeen ? ». Quatre ans après la première partie de Carole Guisnel, elle continue son bout de chemin au sein de cette génération active de nouvelles humoristes.