Le contenu, la forme, la diffusion : à tous égards, les shows d’Arnaud Aymard se moquent des lois du marketing. Au lieu de dire chaque soir le même texte au même endroit, comme la plupart des stand-upers, Arnaud Aymard joue une fois par mois un spectacle nouveau : la saga Canoan, une épopée parodique façon Conan le Barbare dont il prévoit neuf épisodes cette année. Rien de vendeur dans ce projet dont les qualités même peuvent devenir des défauts : des dialogues fleuves de personnages multiples interprétés par le seul comédien. Bref, ce spectacle a quelque chose de l’utopie, à l’image de l’Oiseau bleu qui durait 2h15, ou des FMR de François Rollin, qui en 2005 offraient chaque mois une nouvelle performance à l’Européen.
Après avoir affronté le roi Vommir, Canoan s’aventure dans la cité des Amazones, des héroïnes aux noms toujours plus invraisemblables, Macédoine, Phrygia ou Méthadone dont le « vase est magnifiquement ébréché ». Difficile de se tenir coi au milieu de ces voluptueuses guerrières qui s’entraînent à saisir des pommes au vol entre leurs dents. Canoan explore aussi les fonds marins et rencontre sur la plage des crabes qui parlent un idiome aujourd’hui disparu : le mollusque ancien.
Les 20 premières minutes sont les mêmes que dans le premier épisode : débarqué sur scène, le « comédien céleste » qui n’apparaît que tous les 150 ans délivre aux spectateurs un message holographique et les invite à se mettre en « sommeil bêta » ; puis surgissent les enfants Apollon et Hermès, « fils de Juton », qui s’apprêtent à mater le show en mâchant des chips et des bonbons que l’acteur fait passer au public. L’heure suivante est dévolue aux nouvelles aventures du guerrier à la perruque serpillière qui balance des gingles en direct depuis sa petite machine.
L’ancien prof de physique s’amuse toujours à inventer des néologismes teintés de pseudo science et de délire mythologique, improvisant en direct quelques nouveaux barbarismes. Le comédien a beau déployer avec éclat son imagination foisonnante, la multiplication des dialogues finit par créer un roulis monotone, la parodie de ratage risquant à la longue de déteindre sur le show lui-même. Mais ce bordel organisé finit par gagner le public, lorsqu’à la fin le comédien déclenche une vraie bousculade dans la salle… Impensable dans un show traditionnel.