Un ange, Arletti, fait irruption sur scène pour une conférence sur la Genèse. Nombreux tics, pied bot, démarche claudicante, autant de caractéristiques habituelles chez ces personnages contrariés, hésitants, empêchés que sont les clowns. Son imperméable enlevé, le même imper la recouvre des pieds au cou, un petit chapeau rouge apparaît sous son grand chapeau beige, tandis que son nez rouge sur fond blanc rappelle celui d’Adell Nodé Langlois.
Un cérémonial repousse toujours le début de la conférence. Arletti vide sa serviette, installe son attirail sur la table beaucoup trop haute pour elle : verre d’eau, crayon et piles de feuilles prêtes à voler, qu’elle replace de façon obsessionnelle. Après vingt minutes de mise en place muette, faite de gestes incontrôlés et d’un silence seulement troublé de sons informes ou de cris rauques, on entend enfin une petite voix, enfantine et espiègle. Elle commence à énoncer de façon ingénue l’histoire de la Genèse inaugurant l’Ancien Testament. La clown butte toujours sur le même mot, « constater », avant d’enchaîner en fondu sur d’autres voix, d’autres accents, africains ou asiatiques. Entre la lecture, elle commente : « C’est vraiment bien écrit », « il est incroyable ce gars là », Dieu, qui crée le monde en six jours. Oui mais le sixième jour pose un problème, car Arletti, après la création des animaux, ne mentionne pas celle de l’homme. « On n’a pas été constaté », s’écrie-t-elle en parcourant la salle d’un air tragi-comique avant de se vautrer sur un spectateur.
Arletti s’emmêle les pinceaux, fait rire sans parler, amuse en s’énervant, vide d’un coup son rouleau de scotch accrochant toutes ses feuilles, arrose une plante qui déborde et inonde la scène. Lorsque le téléphone sonne, elle devient hystérique, court dans la flotte, éclabousse les premiers rangs, tandis que sa clope met le feu à son livre (le même « truc » que dans Dracula, vu la veille). Bref, Catherine Germain, qui incarne le clown Arletti depuis 1984, déploie ici l’étendue de son art, ravissant aussi bien les adultes que les enfants hilares à ses facéties incontrôlées.