Antoine Buéno se définit comme un écrivain « prospectiviste ». Il a été chroniqueur télé et plume politique pour François Bayrou, enseigne à Sciences-po et a créé un prix littéraire. Mais ça ne lui suffit pas. Il veut aussi goûter aux frissons des planches et devenir stand-uper, comme tant d’autres. Aussi, après avoir arpenté quelques scènes ouvertes pour roder son show, c’était au Point-Virgule qu’il se produisait exceptionnellement mardi 14 octobre. La salle est pleine, de ses amis surtout, et elle réagit bien, malgré un jeu assez statique.
Bon, le texte est là, peut-être un peu daté, avec des saillies, de l’ironie, des références littéraires. Mais les thèmes sont un peu éparpillés : les Ashkénazes, le catholicisme, la politique… Sur scène Buéno ne bouge pas d’un poil et sa voix résonne assez peu. Surtout, sa diction n’est pas portée vers les spectateurs, comme saurait le faire un comédien.
Il commence de façon volontairement paradoxale, vaguement subversive, par critiquer l’espoir, cette valeur qui nourrit nos vies et nos désirs – mais qui en fait nous a tué. Vous êtes tous dans l’espoir, nous dit-il en substance, et je vais vous apprendre le désespoir, avant d’évoquer la maladie, l’AVC…
Bueno ne manque pas d’autodérision lorsqu’il se décrit comme un écrivain sans lecteur (il a quand même publié sept livres). Il feint de répondre à des lettres d’admirateurs idiots, un procédé classique au théâtre, en particulier à une certaine Patience de Bamako, souligne les tics de langage de l’époque, comme ces « ça vaaa ! » qui concluent des phrases en suspens, joue le pseudo parano expliquant son insuccès par des complots – « ils savent que Buéno est intelligent et beau et ils ont peur »… Il livre un cours d’économie parodique qui rappelle étrangement celui de Christophe Alévêque, en expliquant la différence entre gauche et droite par deux notions essentielles, le fist et la sodomie.
Bref, on passe un bon moment en sa compagnie, mais si Antoine Buéno est spirituel, il ne vient pas chercher le public. Sa diction se perd dans la salle, comme si elle était dirigée pour un autre, pour lui-même peut-être. Antoine Buéno n’est pas comédien et la scène n’est pas encore son terrain d’expression. Avec de l’exercice, peut-être, elle le deviendra.