A presque 50 ans, Anne Roumanoff retrouve la scène avec un show bien réglé, sans temps mort, mais pas très surprenant. Dans « Aimons-nous les uns les autres » il y a de tout, même une critique gentille du stand-up actuel. Que serais-je devenue si je commençais ma carrière aujourd’hui, se demande l’humoriste qui se lance dans une parodie de stand-up communautaire où elle évoque ses origines métissées, russe et marocaine. Autre personnage virtuel qu’elle aurait pu être : une comique à la Raymond Devos, filant quelques jeux de mots spirituels et un peu forcés à la Michaël Hirsch.
Parmi une majorité de sketchs nouveaux, Anne Roumanoff reprend celui de Rouge sur la coach québécoise qui demande aux spectateurs d’applaudir pour répondre à ses questions : avez-vous du mal à vous endormir ?, à vous réveiller ?, etc., avant de faire monter sur scène un gars très marrant pour le soumettre à sa thérapie new age. Jouer avec des spectateurs transformés en acteurs d’un soir, la dame en rouge l’a souvent fait, dans des sketchs qui semblent ne pas se suffire à eux-mêmes. Le meilleur exemple, c’est cette parodie de télé-réalité qui convoque un jeune-homme et une jeune-femme du public qu’elle téléguide pour qu’ils s’engueulent et se réconcilient, tandis qu’elle tient à bout de bras un cadre figurant la petite lucarne. En dehors de ça, on note quelques réussites comme ce goûter d’anniversaire où elle dresse une typologie de mères caricaturales, celle qui raconte sa vie sexuelle, celle qui s’extasie sur le génie de son gosse, celle qui vomit sur la maîtresse.
Alors oui, on retrouve les brèves de comptoir habituelles où l’on sent toujours la plume de Bernard Mabille, des allusions à l’actualité chaude et, puisque le spectacle s’intitule « Aimons-nous les uns les autres », une parodie de messe bien sentie jusqu’à ce Notre Père, classique des classiques du one-man, dédié aux banquiers : « Notre banquier qui est odieux… » – ainsi, par exemple, Vincent Rocca invoquant « Notre kiné qui êtes osseux… ».
Anne Roumannoff incarne toujours ses personnages fétiches, la femme à Jean-Claude ou l’ado caricaturale, et bascule parfois en mode stand-up pour s’adresser au public. Sa force c’est de saisir les enjeux actuels de la société, la montée du FN ou le mariage gay, de se mettre à la place des Français moyens qui galèrent, s’inscrivent à Pôle emploi et se défient toujours plus des politiques. La dame en rouge enchaîne ainsi avec un certain rythme, jusqu’à une fable politique finale qui couronne son humour de chansonnière grand public.
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