Anne [ROUGE]MANOFF !

Anne Roumanoff est, paraît-il, l’humoriste préférée des Français. Son style tranche avec celui de Florence Foresti, sans doute plus moderne… Même si la différence d’âge est faible, les codes, le ton, l’ambiance sont différents. Après Anne a 20 ans, [ROUGE]MANOFF ! compte moins de sketchs et plus de stand-up. L’humoriste évolue dans un décor très soigné dont les couleurs et les formes changent, drapé rouge et blanc, mobilier design à la Philippe Starck.

Débarquer au théâtre du Palais-Royal, c’est pénétrer la grande famille qui écoute tous les matins Roumanoff sur Europe 1 et l’a vue dans Roumanoff et les garçons qui visait l’avant 20h de France 2, comme Canteloup après le JT de TF1. Le public conquis, ravi de voir son idole pour de vrai, rit presque mécaniquement à chacune de ses saillies. Non que ce ne soit pas drôle, mais une froideur professionnelle émane de cet enchaînement de vannes au rythme étudié. Derrière ces piques sur les politiques ou la cherté de la vie, parfois déjà entendues à la télé, on sent la plume de Bernard Mabille, dont le spectacle est plus naturel et spontané… Cette mécanique parfaitement huilée roule sans répit durant plus d’une heure et demi, selon une formule qui marche : un bon mot, une info, un bon mot, une info. Résultat : ça fuse et ça fait sourire, sans vraiment surprendre. Peut-être la fréquentation des médias joue-t-elle sur l’humour d’Anne Roumanoff, car ici, comme à la télé, tout est fait pour que les rires fusent sans temps mort…

Ce côté pavlovien s’illustre lorsqu’elle incarne une coach québécoise qui suggère à un spectateur de lever les mains et de taper des pieds pour évacuer les mauvaises ondes. Ce personnage est-il si différent de l’humoriste ? A l’image d’Arthur sondant le public à main levée, Roumanoff tente de nouer une relation avec les spectateurs en les faisant périodiquement applaudir : « Applaudissez ceux qui fument, ceux qui boivent, etc… » Chacun frappe des mains, mais personne ne s’exprime. Certes, elle fait monter sur scène plusieurs spectateurs dans une parodie d’émission pathos façon Delarue, et ils s’en sortent bien. Mais on a l’impression, comme à l’école, que tout nous est suggéré.

D’ailleurs, la dame en rouge donne un cours de morale, au terme duquel le principe d’un tel cours se trouve plus légitimé que subverti. La plupart des sketchs sont eux aussi suivis d’une leçon de morale aux messages rebattus, genre : avec internet on est devenu proche des gens loin et loin des proches ; ou le racisme, ça commence par la pensée, c’est ensuite un discours, avant de devenir un acte. La solution est simple : supprimer les pensées racistes. Fellag ou les marionnettes d’Avenue Q nous avaient pourtant montré que chacun porte en soi des pensées racistes.

Les brèves de comptoir sont enrobées de sketchs aux personnages stéréotypés : l’ado boutonneuse à la Élie Semoun, l’aristo façon Sylvie Joly, ou son icône de radio Bistrot, femme de boucher qu’on découvre préparant un dîner de Noël. Anne Roumanoff parle toujours de la crise, comme si chaque spectateur du Palais-Royal avait des difficultés à boucler les fins de mois. Et ça paye, les vannes sur le pouvoir d’achat provoquant en effet des salves de rires connivents, mais on a l’impression d’une recette méthodiquement appliquée pour faire rire. Il manque peut-être un peu de chaleur, de relâchement ou d’impro à ce show calibré comme un prime time.

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