C’est la conférence instructive d’un homme élégant, drôle et maladroit. En quatrième vitesse, Alain Gautré raconte l’histoire du clown, depuis son étymologie allemande « klönne » (homme vieux et malhabile) jusqu’au triomphe de l’auguste aux chaussures géantes inventées par Billy Hayden. Il évoque le clown de Shakespeare, William Kemp, le Joker, les rivaux de la commedia del arte Arlequin et Pierrot, futur clown blanc perfectionné par Joseph Grimaldi en Angleterre au 19e siècle. Et voilà que le conférencier s’énerve, car, fulmine-t-il, à l’origine le clown était le clown blanc et non l’auguste au nez rouge qui n’apparaît qu’en 1880 – cet artifice dont Jacques Lecoq dira que c’est le « plus petit masque du monde ». Au passage, Alain Gautré rappelle la naissance du cirque en Angleterre en 1770 et la légende selon laquelle le nez rouge a été inventé, malgré lui, par un homme déboulant îvre sur la piste… Mais non, tout était prévu, dit-il, car « faire le con est un métier ».
Au fil de la conférence, le débit du narrateur s’accélère, s’exaspère, tandis qu’il se foule le genou. Parvenu au temps de Jacques Lecoq et Pierre Byland auquel l’Épée de Bois rendait hommage par ce festival, il évoque leur pédagogie sur la recherche du clown intérieur, et la teste avec un volontaire du public. Dès lors, dans un dispositif qui fait naturellement entrer le spectateur dans l’art du clown, le conférencier donne un cours en direct, passant de la « floraison de la gène » au triple regard, avant une apothéose acrobatique qui ravit ceux que la conférence aurait ennuyée. Plus ça va, plus ce personnage d’abord sérieux se révèle capricieux et velléitaire avec son élève.
Selon Pierre Byland, « Alain apporte l’écriture dont le clown a tant besoin ». A l’inverse de la laborieuse Masterklass de celui-ci, cette conférence aussi amusante qu’aboutie, aussi verbale que corporelle, évoque non seulement l’histoire du clown, mais fait saisir en direct des années de pratique avec une efficacité comique remarquable !