Adieu monsieur Haffmann a obtenu 4 Molières en 2018. L’argument est simple : à Paris, pendant l’Occupation, lorsque le port de l’étoile jaune pour les juifs devient obligataire, le bijoutier Joseph Haffmann propose à son employé de lui confier son magasin en échange de quoi celui-ci le cachera dans la cave. Pierre Vigneau accepte à la condition que M. Haffmann fasse quelque chose pour préserver son couple. Toute la complexité de la pièce consiste à enferrer les personnages dans une série de compromissions inextricables : le bijoutier obligé à faire une chose contre nature, l’employé qui doit recevoir les clients peu recommandables, la femme devant se prêter à l’une et l’autre de ces contraintes.
C’est un spectacle sobre, bien joué, émouvant, qui fait penser au théâtre privé actuel tel qu’il est récompensé par les Molières, avec une scénographie simple et astucieuse, où l’on passe de la cave au salon grâce à quelques indices et un subtil travail sur les lumières. On apprécie la précision du jeu des trois comédiens principaux, Charles Lelaure, Marc Siemiatycki et Julie Cavanna ce soir-là, tandis que l’auteur et metteur en scène Jean-Philippe Daguerre campait lui-même l’officier nazi, en compagnie de Salomé Villiers.
L’ambiance tendue sur fond de montée du nazisme rappelle parfois une autre pièce à succès, Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor, ou encore Le repas des fauves. Le drame se termine par un dîner en apothéose et une chute saisissante.