Racine façon théâtre de rue ? Depuis plus de vingt ans, les Épis noirs, qui ont sorti quelques albums, donnent une version cabaret des grandes œuvres du répertoire. Sur une piste éclairée aux flambeaux, les quatre comédiens sont à leurs instruments, guitare, basse, synthé, grosse caisse, quand ils n’incarnent pas les personnages principaux de la pièce de Racine. Andromaque Fantaisie Barock’ est une sorte de music hall où chaque scène serait une chanson suivie d’une interprétation contemporaine ou du texte original.
« Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector qui est mort », résume Pierre Lericq, qui a écrit et mis en scène le spectacle avec une énergie propre à la comedia del arte et au clown. Les voix portent haut et fort, dans une cacophonie rarement associée à Racine. Les alexandrins rimés de facture classique n’étant pas forcément dans le ton de l’époque (quoique, avec le slam), Pierre Lericq trouve des mots sentis, comme dans ce conseil de Pyrrhus à Oreste pour séduire Hermione : « Pensez que chaque mot est une fleur et que vous êtes un papillon. Vous vous posez dessus. »
Sur scène les registres se mélangent : comique de répétition parfois épais, blagues potaches, effets de fumée, fulgurances électriques. Sans oublier un aspect cinématographique très réussi, consistant à rejouer certaines scènes sous un angle différent. Si les acteurs-musiciens n’excellent ni dans l’harmonie musicale ni dans la précision du jeu, ils envoient leur texte avec une énergie et une efficacité burlesque qui ne trahit pas l’esprit de la tragédie racinienne.
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