Rarement un spectacle de cirque ne m’a paru aussi charnel, rarement la manifestation du désir ne m’a semblé imprégnée d’une telle beauté. La Compagnie Rasposo, venue de la région bourguignonne dont elle fait goûter des vins à l’issue de la représentation, présentait au festival d’Aurillac 2016 sa nouvelle création dédiée, selon la metteure en scène et acrobate Marie Molliens, à la femme de cirque vue aussi bien dans sa fragilité que dans sa passion.
Trois créatures en robe lamé rouge se meuvent sur scène, tournoient dans les airs, elles sont les images envoûtantes d’une seule femme qui enivre et séduit un spectateur. Aimanté par leur présence, comme hypnotisé, cet homme se précipite sur la piste et tente d’approcher ces mirages de femmes qui se démultiplient, lui échappent et se substituent les unes aux autres. Un moment vient où il se révèle athlète et trapéziste embrassant les airs avec une de ces muses suspendues. Alors ils s’étreignent, se rattrapent sans filet et, au sol, sur un matelas, ils s’aiment.
De temps à autre surgit un personnage androgyne et inquiétant, mauvais génie dénudé qui ricane frénétiquement. Ses apparitions glacent l’atmosphère et diffusent une vague de malaise, de façon moins langoureuse que le groupe dont la chanteuse iconique semble sortie du Club Silencio de Mulholland Drive. Des chorégraphies suggèrent le désir, la peur, l’angoisse, la folie, l’amour. Les corps convulsés sur le lit, dans les draps froissés, font naître des images, réminiscences de Psyché et Cupidon, sur fond d’esthétique puisant chez Bacon ou chez Klimt… En mêlant une sensualité extraordinaire à une performance physique époustouflante, La DévORée dévoile les mirages du désir.
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