LA NOUVELLE CHARTE CRITICOMIQUE

 

De Criticomique à l’Atelier oratoire

Lorsque j’ai mis en ligne le site Criticomique en octobre 2008, plus de 4 ans après avoir commencé à faire des critiques dans le magazine Zurban, et alors que j’écrivais pour le site du Pariscope, j’avais pour ambition d’inaugurer une nouvelle forme journalistique : la « critique comique ». Soit une critique consacrée à un genre souvent méprisé par la société française, en particulier ses intellectuels : les spectacles d’humour. Mon objectif était de rendre hommage aux humoristes les plus talentueux, sans alimenter un système promotionnel favorisant des figures déjà médiatisées. Je proposais un point de vue éclairé par mes goûts et mon expérience de spectateur, en privilégiant le one-man-show et le stand-up à la comédie de boulevard (cf. la précédente Charte éditoriale Criticomique).

Chaque spectacle faisait l’objet d’une courte critique accompagnée d’une notation allant de zéro à quatre étoiles (puis symbolisée par quatre visages plus ou moins souriants) et souvent d’un extrait vidéo. Ma démarche consistait à relater aussi bien les spectacles des têtes d’affiches que ceux, laissés hors du radar médiatique, d’artistes méconnus jouant dans de petites salles, le but étant aussi de détecter les « Nouveaux talents ». Armé d’une subjectivité affirmée et d’une volonté d’indépendance, je proposais un panorama critique de la scène comique française.

Une illusion d’indépendance

En commençant à écrire des critiques, habité par un idéal de liberté, je me sentais investi d’une mission : mettre en lumière les spectacles les plus brillants & méconnus. Pour garantir cette indépendance peut-être illusoire, je me tenais à l’écart du monde théâtral qui me semblait caractérisé par l’autopromotion et l’entre-soi. A l’issue des représentations auxquelles on m’invitait, je refusais de parler aux comédiens quand bien même j’y étais invité par leurs attachés de presse. J’évitais ces rencontres qui m’auraient parfois obligé à être désobligeant ou hypocrite – et quitte à choisir entre les deux, j’optais pour la franchise, afin de garder ma liberté d’écrire ce que je pensais.

A cette époque, j’étais étranger, voire hostile à l’idée de réseau. Pourquoi un artiste qui se payait un attaché de presse obtenait-il des articles plus nombreux et élogieux qu’une troupe sans argent ? Loin de l’auto-promotion, je refusais d’écrire l’un de ces « avant-papiers » où le rôle du journaliste, certes pressé par le temps, se réduit à recopier le contenu d’un dossier de presse. Je n’écrivais que sur les spectacles que j’avais vus, quitte à faire de la mauvaise publicité à ceux qui m’avaient déplu, ou à vexer des égos (ce qui n’était pas constructif, j’en conviens).

Et lorsque j’entendais l’adage selon lequel « les critiques sont des artistes ratés », je répondais en citant le mot de Max Favalelli : « Je n’ai jamais pondu un œuf de ma vie. Et pourtant je m’estime plus qualifié qu’une poule pour juger de la qualité d’une omelette ». Néanmoins, j’étais également convaincu qu’il existait, parmi les critiques (mais pas seulement dans cette profession), des auteurs, des comédiens ou des metteurs en scène ratés.

De la critique à la créativité : une évolution

Il y a un certain confort à refuser de se mêler aux acteurs, aux auteurs, aux artistes. A se garder de mettre les mains dans le cambouis. Alors, peu à peu, j’ai évolué.

En 2007 et 2008, sur le site pariscope.fr, j’avais commencé à rencontrer des comédiens pour réaliser des interviews décalées en vidéo. Fin 2009, j’ai fait quelques chroniques pour MCE TV et j’ai ensuite participé à la première saison de l’émission Les Enfants de chœur sur la radio belge Vivacité, avec Alex Vizorek, Walter, Kody et James Deano. C’était la première fois que je travaillais avec des artistes dont j’avais vu les spectacles – qu’heureusement j’avais appréciés.

Petit à petit, en n’étant plus contraint par des calibrages des magazines papier ou web, mes critiques se sont allongées. J’y ai développé davantage mes sentiments. J’ai aussi élargi mon champ d’intervention pour analyser les affiches de spectacle,  les codes du stand-up, faire des reportages sur des festivals ou des portraits d’artistes qui me semblaient intéressants (par exemple, le Cabaret philosophique). Ce faisant, après une « overdose » de stand-up, je me suis tourné vers le théâtre de rue, le clown, le slam et l’impro.

En 2016, la troisième version du site voyait le jour avec une nouvelle rubrique « Actualités » qui réunissait des articles ou annonces non critiques. Enfin, lors du premier confinement, j’ai créé une rubrique Poésie pour héberger les poèmes des participants à la Scène virtuelle du Chat noir, ainsi que d’autres « restitutions » d’ateliers d’écriture.

Si j’ai changé de point de vue, c’est pour deux raisons :

– D’une part, comme mon illusion d’indépendance était vouée à l’échec et à une certaine absence de reconnaissance, j’ai fini par admettre l’utilité du réseau, cette notion qui m’apparaît aujourd’hui comme une évidence.

– D’autre part, mon activité a changé : j’anime des ateliers d’écriture et de prise de parole, dans une démarche plus bienveillante que l’exercice critique. Il s’agit d’encourager celles et ceux qui veulent se lancer dans le théâtre, la poésie ou l’éloquence, d’ouvrir les vannes de l’inspiration, quand la critique, telle que je l’entendais, visait à considérer un spectacle comme le résultat d’un travail, sans prendre en compte le processus de création.

Alors, que va devenir Criticomique ?

Il me semble désormais inconcevable de mener à bien un projet sans envisager la dimension créative de l’œuvre. En outre, la fréquentation des artistes, notamment ceux que j’ai interviewés dans mon podcast Flow, L’Atelier oratoire rend impossible l’exercice d’une critique indépendante, telle que je la pratiquais au début.

Alors j’en titre les conclusions : adieu la critique, place à la créativité !

A partir de maintenant, mes articles, dépourvus de notation ou d’appréciation, analyseront la dimension oratoire et créative de ces artistes qui ont l’audace de monter sur scène, comme en témoignent mes dernières publications, qui visent à dresser un panorama des acteurs de la scène slam actuelle.

Enfin, je prépare le lancement d’un nouveau site qui mettra en valeur mes ateliers créatifs, ainsi que des formations et des conférences.

A suivre, donc !

Julien Barret, 5 octobre 2022

 

* L’ancienne Charte éditoriale Criticomique

* Criticomique dans les médias :

L’article dans Direct Soir n°471 (7 janvier 2009)

L’émission Les Visiteurs du jour sur RFI (8 janvier 2009)

L’émission Le Masque et la plume du 9 juin 2013.

L’émission Si l’Amérique m’était contée sur France Inter (1er novembre 2014)

Le podcast de Tristan Lucas, Sur un plateau (9 juin 2020)