Coauteur du génial spectacle de Yann Frisch, Raphaël Navarro a créé avec Clément Debailleul la compagnie 14:20 qui inaugure la « magie nouvelle », un courant censé réinvestir la magie d’une dimension esthétique et onirique au croisement des arts, dont ce cabaret est comme un manifeste : danse, musiques, illusionnisme, sans oublier les blagues potaches d’Eric Antoine. L’ambiance va donc du burlesque au plus solennel, avec les lumières éthérées sur lesquelles se posent les notes de piano de Madeleine Cazenave et la voix pure, envoûtante de Camille Saglio, multi-instrumentiste blanc féru d’Afrique, qui joue de la guitare et du n’goni.
On découvre aussi la chorégraphie gracieuse et aérienne d’Ingrid Estarque et des tours de magie, donc, proposés par le tandem Eric Antoine et Yann Frisch qui s’amusent à jouer aux cons devant le public. Calista Sinclair rejoint Eric Antoine pour une séquence d’illusionnisme où ils se complètent, entre présence réelle et images de synthèses. Plus mystique, Étienne Saglio fait léviter un ovni lumineux qu’il confectionne avec une lampe frontale et des lambeaux de sac plastique, sorte de méduse fantastique qui flotte longuement au-dessus des spectateurs fascinés, rendus eux aussi « rêveurs définitifs ». Il fait voler des oiseaux mécaniques, s’escrime avec des morceaux de cellophane qui se séparent et s’assemblent dangereusement. C’est beau et mystérieux.
Mais l’ensemble a quelque chose de disparate, les séquences se succédant souvent sans transition. Difficile de faire coïncider la puissance onirique de la danseuse en apesanteur et les blagues appuyées d’Eric Antoine, qui en fait des tonnes et joue à celui qui rate ses tours, comme s’il voulait absolument prouver qu’il est drôle. Pourquoi Yann Frisch fait-il à deux reprises son fameux numéro Baltass, avec une balle et une tasse ? Bon, on pinaille un peu, mais ce manifeste de magie nouvelle est capable de provoquer des moments de sidération qui s’impriment durablement dans la rétine et la sensibilité du public.