Thierry Samitier a son style, qui consiste notamment à jouer au mec timide et hésitant alors qu’il est très sûr de lui… On l’a suivi depuis ses débuts dans Nulle Part Ailleurs où il posait des questions volontairement idiotes à des invités surpris. Après deux pièces de théâtre, Ta gueule je t’aime et Concessions, deux one-man-show, Embrassez-moi et Pourquoi j’ai quitté Sharon Stone, il présente à l’Archipel le showcase annonçant son 3e solo.
Le show s’articule autour d’un leitmotiv, on dirait une anaphore en poésie : une adresse répétée à sa femme, « mon amour anh », suivie d’une question du genre : « Tu m’as déjà trompé ? » ou bien « Qui est-ce qui couche le mieux, Hervé, Jean-Jacques ou moi ? » Ainsi se dessine l’image d’un mec un peu minable, assez frustré, écrasé par une emmerdeuse. Pour faire passer ses brèves de boudoir, le comédien esquisse quelques pas de danse sur une musique flamenco.
Au début, Samitier vise juste en évoquant les thérapies actuelles, son cours de lojong, un art bouddhique fondé sur les sept points de l’esprit que lui dispense son maître Patrick Chapouillot, zen en toute circonstance. Le comédien glisse d’une phrase à l’autre par incises, dérive, évoque son passé d’ancien comptable. Dans un sketch cliché, le cours de thérapie-théâtre avec la prof russe à l’accent surjoué, il enchaîne des tirades à la Cynaro sur les tomates et concombres, un peu lourdes à la longue.
C’est du one-man plutôt que du stand-up : Thierry Samitier joue avec le quatrième mur, en parlant toujours à un interlocuteur absent, sa copine notamment, ce mur qu’il fait tomber lorsqu’il s’adresse à un spectateur à qui il doit de l’argent… Sans doute le showman devrait-il exercer davantage sa faculté de nous prendre par la main pour nous mener là où il veut. Car il excelle à tisser des phrases alambiquées, absurdes, qui semblent improvisées en cours de route – en particulier cette longue séquence embrouillée qui se termine par « prout ». Le reste du show hésite entre clichés amoureux et phrases entendues souvent, comme les petites tromperies du couple ou la surdité de Beethoven. Thierry Samitier a son rythme et sa gestuelle. Manque plus qu’un peu de travail pour lisser les aspects décousu et amateur de ce show plein de promesses…