The Amazing Guests-Chiche-Show

Allons-y d’emblée, les Chiche Capon, qui réalisent un mix parfait entre tradition burlesque et codes contemporains, sont les meilleurs clowns d’aujourd’hui. A l’origine, ils étaient trois : l’excellent Fred Blin en chef de troupe irascible, l’émacié à l’imper Patrick de Valette, découvert en magicien ringard dans le Grand Mezze et le grand mutique Matthieu Pillard qui fait penser à Mister Bean. Arrivé plus récemment, le musicien Ricardo Lo Giudice, authentique human beatbox, donne au trio l’organe vibrant qui lui faisait défaut. Après la Pépinière, on les retrouve au Samovar, l’école de clown où enseigne Fred Blin, pour le festival des clowns, des burlesques et des excentriques. Un « amazing guest chiche show » avec deux invités de marque, Arnaud Aymard, vu dans l’Oiseau bleu, et Maria Dolores, qui campe une chanteuse à voix qui ne supporte pas les clowns, ces tristes marginaux qui auraient pu finir serial killers. Bref, l’équipe enchaîne sans temps mort des saynètes inattendues et enlevées, tandis qu’un accessoiriste incompétent ne cesse de traverser la scène en titubant.

Ça démarre sur un beatbox jazzy que les trois clowns, cachés par de grosses barbes, n’arrivent pas à accompagner de leur instrument, à part un audacieux joueur de triangle. Maria Dolores évoque ce « gala de charité » à qui elle fait honneur, dans un quartier de boucheries halals et de PMU. Elle parle tant que Ricardo lui demande de chanter, mais elle s’accroche à ses bras, désespérée, alanguie. Suivi d’un assistant déglingué (Patrick de Valette), Fred Blin apparaît en beau gosse latino aux déhanchés millimétrés, mais le mythe du latin lover s’effondre lorsque de sa bouche s’échappe un filet de voix fluette. Arnaud Aymard, déguisé en folle de théâtre antique, pose aux Chiche une question existentielle : à force de répéter les mêmes situations, n’en viennent-ils pas à « nier l’instant » ? Après deux fautes d’accords trahissant l’enflure oratoire de son personnage, il entame à la guitare une chanson parodique pour enfants, avant de verser dans un registre lyrico-ringard plus licencieux avec « Donne moi la clé de ton corps ».

Si Maria Dolores « chante l’amour », elle change de registre : la cantatrice se mue en égérie kitsh 80’s, bombers et collant, qui s’égosille avec une gestuelle vulgos sur « Tout Doucement » de Bibie. Perruque frisée à la chevalier du Fiel et os de dinosaure en main (le même qu’Adèll Nodé-Langlois ?), Arnaud Aymard campe un gars mal assuré, au sourire triste, dont les phrases avortées et le visage décomposé traduisent un indicible désespoir. Avec, toujours, cet humour verbal singulier qui rôde au seuil de l’imprononçable et du malaise. Enfin, tous les protagonistes se réunissent dans une parodie de comédie musicale amateur, « Les amis de peaux d’âne », où Maria Dolorès se perd en remerciements et cloue le bec à ses partenaires.

Une incarnation du spectacle vivant à son sommet !

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