Après Bien des Choses, revoici le chanteur et comédien François Morel metteur en scène de deux anciens camarades Deschiens. Dans la série, Olivier Broche est ce minot martyrisé parce qu’il lit Duras et Yourcenar. Dans la vie, c’est un fan de cinéma à qui François Morel permet aujourd’hui de montrer son amour de la toile en incarnant le célèbre critique Jean-Louis Bory, Olivier Saladin jouant son collègue Georges Charensol.
Dans les années 60, Charensol et Bory faisaient partie des critiques de la mythique émission de radio Le Masque et la Plume, sur France Inter. Ensemble, ils ont eu cette idée géniale de scénariser leurs interventions en surjouant leurs dissensions jusqu’à la caricature. Face au romancier surdoué qui perçoit la dimension politique de chaque film et articule sa pensée avec une virtuosité étonnante (Bory), le réac’ bon enfant donne son opinion, sans trop argumenter (Charensol). Dans ce match spectaculaire entre tradition et modernité, ils sont parfois d’accord pour encenser Bergman ou Pierrot le fou et passent tous deux à côté du Parrain.
Sur scène, les voici réunis dans une salle de cinéma, accompagnés au piano ou à la danse par la jeune et jolie Lucrèce Sassella, au style d’héroïne nouvelle vague. Olivier Broche campe parfaitement l’homo précieux qui réinvente les films qu’il a vus, tandis qu’Olivier Saladin traduit à merveille, par ses hésitations et cette bonhomie dont il a le secret, le rationalisme désabusé de Charensol, lequel, malgré ses facéties, semble moins éloquent, inventif et loquace que son cadet.
Bref, l’occasion d’écouter la version actuelle du masque et la plume, à moins que cette pièce ne soit un prétexte pour clamer que non, enfin, c’était mieux avant !