Avant de partir pour Avignon, Gauthier Fourcade présentait à un public choisi son nouveau spectacle dans son fief des Abbesses. Dans ce quatrième opus qui fait suite à une trilogie impeccable, où il continue à tisser des jeux de mots poétiques sur une trame qui est la sienne, le Devos d’aujourd’hui retrouve son âme d’enfant en évoquant la recherche du bonheur. Arrivé sur scène comme un ange, blouse et ailes blanches, il incarne alternativement son propre rôle et un personnage glacial, givré, dont le programme funeste consiste à éliminer les gens malheureux. Plus qu’avant, et peut-être du fait de l’inachèvement relatif de ce spectacle, on pénètre une sorte d’atelier, la fabrique poétique où Gauthier Fourcade tire les ficelles de son écriture, usant d’à-peu-près (« congélateur » / les « cons gèlent à tort »), d’équivoques (« des buts » / « début »), bref, de calembours motivés par son récit puisqu’ils construisent des personnages ambigus, comme cet homme matérialiste et froid, « gelé », qui ne cesse de dire « ça je l’ai ».
L’oreille se délecte des cascades de jeux de mots, l’imagination est ébahie par ce monde enfantin, onirique, animé de mots-valises parfois vertigineux… Mais le show tourne aussi à la conférence, dans ce passage sans récit ni trouvailles langagières où l’humoriste évoque le ruban de Möbius, avant un virage métaphysique : « la conscience n’est pas dans l’univers mais l’univers est dans la conscience ». Puis, quand Fourcade nous rejoue la pièce dans la pièce, la mise en abîmes est attendue et un peu laborieuse, mais le décor et les lumières soignés séduisent. L’humoriste, qui refuse de choisir entre plusieurs fins, semble n’avoir pas encore trouvé la forme qui fera de ce spectacle, à mi-chemin entre Le Petit Prince de Saint-Exupéry et les chansons de Boby Lapointe, une œuvre imparable.